Annonce Sauvetage : Un nouveau remorqueur baptisé hier à Brest La Bretagne fait ses adieux à la mythique «Abeille Flandre» Bernadette Chirac a baptisé hier à Brest l'Abeille Bourbon, le nouveau remorqueur de haute mer qui succède au légendaire Abeille Flandre, qui quitte la Bretagne après vingt-cinq ans de bons et loyaux services auprès des navires en perdition dans le rail d'Ouessant. Des centaines de Brestois sont venus admirer le nouveau remorqueur. Un accueil à la hauteur de l'affection qu'ils portaient à l'Abeille Flandre. «On a fait un bond de trente ans en avant !» commente fièrement Charles Claden, qui, avec Thierry Choquet, assure le commandement du remorqueur basé à Brest. Avec ses 200 tonnes de traction, contre 160 pour l'Abeille Flandre, le Bourbon s'adapte aux géants des mers, qui peuvent transporter près de 10 000 conteneurs. Charles Claden, «Carlos» pour ses amis du monde maritime, a embarqué à bord de l'Abeille Flandre en 1980, un an après l'arrivée du navire à la pointe de Bretagne. Les 200 000 tonnes de pétrole de l'Amoco Cadiz venaient de souiller 400 kilomètres de côtes, et le puissant remorqueur allait constituer la pièce majeure du dispositif de prévention. En vingt-cinq ans, la silhouette de l'Abeille Flandre est devenue familière. «C'est un peu notre baromètre», sourit un promeneur. Lorsque le vent souffle à plus de 25 noeuds (40 km/h), le navire quitte le quai Malbert, au coeur de la ville, pour prendre son poste au large d'Ouessant, ou en baie de Camaret. Aux ordres du préfet maritime, elle peut «décoller» à tout moment, en liaison avec le Centre de sauvetage (Cross) de Corsen qui centralise les appels de détresse. Depuis 1979, le «saint-bernard» du rail d'Ouessant a permis d'éviter seize catastrophes majeures de l'ampleur de l'Amoco Cadiz, soit quatre millions de tonnes de pétrole, précise le groupe privé Bourbon, propriétaire des trois Abeille (Flandre, Languedoc basé à Cherbourg, et maintenant Bourbon) dessinés par le même architecte norvégien. Un quatrième remorqueur, l'Abeille Liberté, sera bientôt livré et rejoindra Cherbourg. Les deux équipages de l'Abeille Flandre, vingt-quatre hommes et leurs commandants, ont fait les comptes : en un quart de siècle, ils ont prêté assistance à 214 navires, soit 7 200 marins, sauvant d'une mort certaine 150 hommes. «Le sauvetage, c'est la sixième marine, au même titre que le commerce, la pêche, ou la marine nationale», assure Charles Claden. Il se souvient des trente marins pêcheurs de l'Alcor sauvés in extremis. «Sur le pont du remorqueur, on a tous été blessés, mais les pêcheurs ont été récupérés», raconte-t-il. L'expérience des équipages a été mise à profit par le chantier norvégien. Du commandant au mécano, les hommes du Flandre ont participé à la conception du nouveau remorqueur pour optimiser la sécurité des marins et les capacités de sauvetage. La protection des marins, des navires et du littoral a un coût. La préfecture maritime affrétait l'Abeille Flandre 9 500 euros par jour, les assurances remboursant à l'État des frais de remorquage. Pour l'Abeille Bourbon, le coût est passé à 12 700 euros par jour. Une petite fortune ! Selon Bourbon et sa filiale Abeilles International, son remorqueur «a permis une économie évaluée à 1 600 fois son coût annuel» en évitant un certain nombre de catastrophes. L'Abeille Flandre a aussi connu quelques revers, notamment lors du spectaculaire naufrage de l'Erika, dont la partie arrière, tirée par le remorqueur vers le large, a soudainement coulé. «Ce n'était pas un échec, on a au moins permis d'éviter l'échouage du pétrolier et de plus de 10 000 tonnes de pétrole sur Belle-Ile», se défend le commandant «Carlos». Après la pointe de Bretagne, l'Abeille-Flandre ne prend pas de retraite anticipée. Après une grande toilette, le remorqueur mettra le cap sur Toulon, pour surveiller le trafic en Méditerranée.