Procès Sabine H., 40 ans, est accusée d'avoir tué à la naissance neuf de ses enfants.L'Allemagne juge sa «mère monstre»Le 31 juillet, lorsque Sabine H., 40 ans, a été arrêtée, la presse populaire allemande l'a immédiatement affublée d'un surnom : Monstermutter («la mère monstre»). Sur les photos, on a vu une forte femme, poings sur les hanches, au regard menaçant. Mère de trois jeunes adultes et d'une fille de 3 ans, Sabine H. a accouché de neuf autres enfants, qu'elle est soupçonnée d'avoir tués à la naissance.Bac à poissons. Les restes des nourrissons ont été découverts par hasard cet été dans des vieux pots de fleurs et un bac à poissons rempli de sable, remisés dans le jardin de la maison des parents de Sabine H. Cette découverte macabre est sans précédent dans l'histoire criminelle allemande.Hier, à l'ouverture du procès qui se tient au tribunal de Francfort-sur-l'Oder, à 80 kilomètres à l'est de Berlin, Sabine H. est apparue dans un élégant pull-over blanc. Très amaigrie, la prévenue est atteinte d'un cancer. «Elle aurait déjà dû être opérée, mais elle a préféré affronter le procès au plus vite pour savoir combien de temps elle devra encore rester en prison», explique en aparté son avocat Matthias Schöneburg, connu dans la région pour défendre les cas difficiles.Sabine H. a refusé hier de se prononcer sur les faits qui lui sont reprochés, laissant le soin aux juges de lire sa déposition. Durant toute la séance, elle a évité les regards de l'assistance, jetant juste quelques oeillades à son ex-mari, Oliver H. Casquette enfoncée sur le crâne, le beau brun à l'allure sportive a refusé de montrer son visage aux caméras. L'enquête n'ayant pas permis d'établir sa responsabilité dans les faits, l'ancien employé de la Stasi (police secrète est-allemande), au chômage, était entendu comme simple témoin. Pourtant, comme le note Me Schöneburg, «il paraît assez incroyable qu'il n'ait rien remarqué». Car, même si Oliver s'absentait souvent du domicile conjugal, situé dans une tour HLM réservée aux membres de la Stasi, il avait des relations sexuelles régulières avec son épouse. Les tests ADN ont d'ailleurs prouvé qu'il était bien le père des neuf bébés, sept filles et deux garçons.«Cercle vicieux». Ancienne assistante en soins dentaires, sans emploi aujourd'hui, Sabine H. dit avoir été prise dans un «cercle vicieux». Si cela ne tenait qu'à elle, elle aurait gardé tous «ses enfants». Elle allait d'ailleurs souvent dans le «coin des enfants» sur le balcon qu'elle avait en quelque sorte érigé en cimetière personnel. Mais voilà, Oliver avait menacé de la quitter si elle retombait enceinte. A 21 ans, elle en avait déjà trois. Aussi ,quand elle s'est aperçue, en 1988, qu'elle attendait le quatrième, elle s'est tue. Selon sa version des faits, elle aurait accouché toute seule dans les toilettes pendant que son mari dormait sur le divan et elle serait tombée dans une demi-inconscience. Quand elle s'est réveillée, l'enfant, «peut-être une fille», dit-elle, ne bougeait plus. Vraisemblablement noyé dans la cuvette des toilettes.Sabine H. se souvient bien aussi de son cinquième enfant : un garçon. C'était le 5 mai 1992. Elle était en stage à Goslar et a dû retourner d'urgence dans sa chambre d'hôtel pour accoucher. Elle a caché l'enfant dans des couvertures et l'a embarqué dans ses bagages. Pour les sept autres bébés, dont les naissances se sont étalées de 1992 à 1997, elle ne se souvient plus de rien car, dès que les douleurs apparaissaient, elle buvait au point de s'abrutir. En 2003, elle a eu une petite fille, Elisabeth, d'un autre homme : «La plus belle grossesse de sa vie», dit-elle.Le plus incroyable dans cette histoire, c'est que Sabine H. n'a jamais songé à avorter et que, après le décès du premier bébé, elle prétend avoir eu peur qu'un gynécologue ne découvre l'infanticide. «C'est une histoire difficile à vendre, souffle une chroniqueuse judiciaire. Les Ossis [Allemands de l'Est, ndlr] en ont assez qu'on les montre du doigt.»Agression. La semaine dernière encore, la violente agression à Potsdam d'un Allemand d'origine éthiopienne par deux Allemands de l'Est, dont l'un est proche de cercles néonazis, a suscité une nouvelle polémique sur la «désocialisation des Ossis».D'ici à la fin mai, 68 témoins doivent être entendus. Sabine H. est passible de quinze ans d'emprisonnement.
