Exposition Rosa à Miami, paysagiste du désert urbain Dans les années 1980, Hervé Di Rosa est l'un des héros de la Figuration libre : rock, bande dessinée, burlesque, plaisanteries picturales et sonores en tout genre. Le succès est prompt, le risque de se répéter pour plaire au marché évident. Di Rosa s'en aperçoit dès la fin de la décennie. Pour se renouveler, il choisit de partir faire le tour du monde et, à chaque étape, il s'imposer d'accorder sa manière de peindre aux lieux, aux motifs, aux références culturelles. En 1993, à Sofia, il cherche du côté des icônes, et, au Ghana, il travaille avec les peintres d'enseignes. Suivent le Mexique, l'Ethiopie, le Vietnam, Cuba, le Cameroun, l'Afrique du Sud. De cette liste, on peut déduire que Di Rosa, né à Sète, préfère les climats chauds. Ce que confirme son plus récent voyage, en Floride, à Miami, "une sorte de "no man's land", dit-il, avec des automobiles où l'art savant se mélange aux cultures populaires du sud des USA et de l'Amérique latine, le tout remixé et aseptisé par des centaines de chaînes de télévision". Comment peindre cette vacuité, cette hétérogénéité, cette monotonie ? En inventant un paysagisme neutre et nu, aux compositions extrêmement simples, aux couleurs extrêmement plates. Le peintre se place face au motif : de l'autre côté de la rue devant un garage, un restaurant, un immeuble. Les horizontales des rues, des trottoirs, des constructions basses se heurtent aux verticales des murs, des poteaux électriques, des palmiers. Ces lignes découpent des rectangles, de sorte que certains fragments de paysages ressemblent à des abstractions géométriques. Ce serait Mondrian à Miami, si cet ordre n'était sans cesse dérangé par des inscriptions publicitaires, enseignes électriques, un dinosaure en plastique sur le toit de Miami on Wheel, un dirigeable factice sur celui d'un entrepôt alimentaire. Les couleurs sont terriblement vives, afin d'attirer le regard du consommateur et de susciter sa convoitise. Mais leur juxtaposition chaotique fait qu'elles s'annulent. Aucune ne parvient à crier plus fort que les autres et c'est la suggestion d'un terrible silence qui s'impose. Quand Di Rosa admet des figures dans ses oeuvres, ce sont le plus souvent des Noirs torse nu ou des filles court vêtues, personnages immobiles qui ne font rien, qui n'attendent rien. On croit d'abord que les nocturnes sont moins mélancoliques, parce qu'ils sont parsemés d'étoiles et de lampions. Et la juxtaposition d'un restaurant et d'une boutique d'articles religieux spécialisée dans les vierges miraculeuses en dit assez long sur un monde où tout, absolument tout, se vend et se revend. L'observation n'est pas neuve et le pop en a fait depuis longtemps l'un de ses thèmes majeurs. En réduisant les moyens plastiques au strict nécessaire, en prenant le parti d'une peinture pauvre et dure, Di Rosa réussit à lui donner une efficacité inattendue. Galerie Louis Carré & Cie, 10, avenue de Messine, Paris-8e. Métro Miromesnil. Tél. : 01-45-62-57-07. Du mardi au samedi de 10 heures à 12 h 20 et de 14 heures à 18 h 30. Jusqu'au 9 juin.