Mort de Roger Arnaldez

Mort Roger Arnaldez, figure marquante de l'islamologie française Figure marquante de l'islamologie française, Roger Arnaldez, membre de l'Institut, est mort à Paris le vendredi 7 avril. Il était âgé de 94 ans. Né le 13 septembre 1911 à Paris, Roger Arnaldez s'était tourné vers les études islamiques après l'agrégation de philosophie. Professeur à l'université de Lyon de 1956 à 1968, puis à l'université Paris-Sorbonne jusqu'en 1978, il devait être élu en 1986 à l'Académie des sciences morales et politiques, dont il assura la présidence en 1997. Sa renommée internationale lui valut de devenir membre associé de l'Académie royale de Belgique, et membre correspondant de l'Académie de la langue arabe du Caire (ville où il avait fait, notamment en 1974, une série très remarquée de cours et de conférences). Roger Arnaldez a publié sur l'islam une douzaine d'ouvrages. Le premier,Grammaire et théologie chez Ibn Hazm de Cordoue (Vrin, 1956) est toujours un classique. Suivent nombre d'essais éclairants sur Muhammad, Hallâj, Fakhr al-Dîn Râzî. En 1980, sous le titre un peu énigmatique de Jésus, fils de Marie, prophète de l'islam (Desclée de Brouwer), il ouvre une voie nouvelle de recherche : non pas la comparaison rebattue du Jésus coranique aux sources néotestamentaires, mais l'exploration minutieuse des commentaires du Coran pour en dégager la figure tout à fait musulmane qu'ils dessinent du Christ. La spiritualité musulmane devient ensuite son domaine de prédilection. Chrétien convaincu, Roger Arnaldez fut consulteur à la section pour l'islam du secrétariat romain pour les non-chrétiens. Membre actif des Amitiés judéo-chrétiennes, il codirigea d'autre part l'édition des oeuvres de Philon d'Alexandrie. Cette ouverture d'esprit donne sans doute son meilleur fruit dans un ouvrage remarquable, Trois messages pour un seul Dieu (Albin Michel, 1983). Arnaldez entend trouver dans l'intentionnalité des spirituels une convergence dominant l'irréductible différence de leurs religions respectives. Il creuse à cet effet avec une rare finesse l'analyse du vocabulaire des mystiques occidentaux dans chacune de leurs langues majeures : hébreu, grec, latin, arabe, espagnol... Tandis que ce livre montrait l'aspiration spirituelle semblable des mystiques individuels, c'est une communauté de pensée, traversant les civilisations méditerranéennes du Moyen Age, qui est mise en évidence par une autre oeuvre, A la croisée des trois monothéismes (Albin Michel, 1993). Une véritable rencontre intellectuelle par-delà les frontières confessionnelles était alors possible, sur la double base de la foi en Dieu créateur, et de cette culture grecque qui, avant de féconder la philosophie islamique, marquait déjà la pensée juive d'époque hellénistique et la réflexion des chrétiens syriaques. Roger Arnaldez était un homme de dialogue, qui s'attira la sympathie et le respect de ses collègues et de ses étudiants. Toute sa vie, il aura oeuvré au service de ce qu'il appelait "les valeurs spirituelles d'un humanisme religieux".