Concert ROCK Les retrouvailles de Roland Orzabal et Curt Smith, au Parc des Princes demain soir Tears For Fears : fin des années 80 En 1990, Curt Smith et Roland Orzabal s'étaient séparés alors que l'on voyait en eux de possibles Beatles des temps neufs. (DR.) Tout le monde aime que ça se finisse bien. Tears For Fears en a fait le titre de son dernier album, Everybody Loves A Happy Ending, même si celui-ci sonne plus comme un nouveau départ que comme une conclusion. Et cela peut sembler aussi une réponse à un tube gigantesque, Everybody Wants to Rule the World (tout le monde veut diriger le monde). C'était en 1985, quand MTV et ses stars dominaient le paysage, c'était le temps de la plus grande gloire d'Eurythmics ou de Depeche Mode : Tears For Fears était un des fleurons de la «synth pop», avec ses sons digitaux et ses entêtants refrains courts, son regard tendu vers une modernité sans nuages et sans incertitudes – Everybody Wants to Rule the World, chantaient Roland Orzabal et Curt Smith. Demain, Tears For Fears donne son seul concert français de l'été, pour la soirée Europe 2 Live au Parc des Princes à Paris, et c'est effectivement une bonne nouvelle : le groupe s'est reconstitué après une quinzaine d'années de séparation et Everybody Loves A Happy Ending est un disque magnifique, à la fois heureux et lyrique, baroque et efficace. La joie n'est pas d'y retrouver l'énergie synthétique de Shout, Everybody Wants to Rule the World ou Head Over Heels, mais bien l'élan pop luxuriant d'une autre gloire, celle de Sowing the Seeds of Love, la chanson la plus proche des Beatles qui soit apparue depuis 1970. C'est avec cette inspiration-là qu'ont renoué Orzabal et Smith, pour leurs retrouvailles. «On a commencé en se disant que ce serait amusant de refaire des choses ensemble, note Orzabal. C'était un plan gagnant à tous les coups : si nous nous retrouvions et faisions de bonnes chansons, c'était super ; et si nous n'y arrivions pas, c'était super aussi parce que nous aurions eu enfin la réponse à une question.» En 1990, ils s'étaient séparés alors que l'on voyait en eux de possibles Beatles des temps neufs. Roland Orzabal avait poursuivi seul la carrière de Tears For Fears, sans vraiment convaincre. «Un jour, nous nous sommes parlés au téléphone, pour la première fois depuis neuf ans, raconte Curt Smith. Nous avons réalisé tous deux qu'il n'y avait entre nous ni tension, ni problème, ni rancune. Cela a été très naturel : nous nous sommes retrouvés pour faire de la musique. Les chansons qui en sortaient étaient plutôt bonnes, c'était frais pour tous les deux, et il n'y a rien eu de compliqué pour ce disque. A part la géographie : j'étais aux Etats-Unis et Roland en Angleterre. Alors il est venu vivre à Los Angeles avec sa famille.» La seule véritable complication a été le business : dans les convulsions de la fusion entre Sony et BMG, Everybody Loves A Happy Ending, prêt fin 2003, sorti il y a presque un an aux Etats-Unis, n'est arrivé en France que ce printemps.«Quand on a écouté les premières versions des chansons, dit Orzabal, on s'est dit : oh, ce n'est pas mal, c'est un peu comme The Seeds of Love, mais un peu plus court, plus économique, plus simple. De la pop music.» Ce credo-là est une évidence aujourd'hui, mais ne coulait pas de source il y a quelques lustres, lorsque certains artistes se demandaient avec sincérité s'il resterait encore un jour une place aux guitares et aux mélodies. En 1989, l'album The Seeds of Love bouleversait la donne : «Quand nous avons percé en Amérique, nous étions déjà écoeurés de toute cette musique à base de machines, se souvient Roland Orzabal. Il nous a fallu nous réinventer – ou, plutôt, nous avons voulu nous réinventer – et nous sommes revenus avec un son directement volé à Sgt Pepper's, ce qui était le mouvement le plus pervers que nous ayons pu inventer.» La chanson Sowing the Seeds Of Love, avec ses empilements de textures et de souffles, de brumes et de pierreries (et son clip réactualisant la liberté psychédélique), sera non seulement un tube, mais sans doute aussi un acte fondateur. Rétrospectivement, on peut parler d'une des premières incarnations rock de la postmodernité : «C'est exactement ce que nous voulions, note Orzabal. Sur le coup, ça n'a pas forcément été perçu.» Même s'ils ne se disent «pas forcément plus fans des Beatles que n'importe qui», Orzabal et Smith revivifient la démarche de Sgt Pepper's en ne puisant pas à une seule source : «Seeds of Love est un mélange : des titres ouvertement inspirés des Beatles, mais aussi du rock'n roll, mais aussi des bouts des Pink Floyd ou de Steely Dan... Nous voulions sortir des années 80.» Ils auront mis un certain temps. Malgré quelques charmes, les albums suivants de Tears For Fears, sous la seule direction de Roland Orzabal, ont souvent manqué leur cible. Curt Smith, installé aux Etats-Unis, n'a pas publié grand-chose de passionnant. Et Everybody Loves A Happy Ending apparaît ouvertement comme une suite de The Seeds of Love, sans les vanités et les naïvetés qui l'encombraient çà et là. Ce doit être ça, une fin heureuse. Même si ce n'est pas la fin.Europe 2 Live, le 18 juin à Paris (Parc des Princes, tél. : 01.40.30.03.60.), avec Tears For Fears, M, Moby, Garbage, Luke.
