Exposition Robert-Houdin la magie, nouvelle formule Célébration du bicentenaire de la naissance du père de la magie moderne, qui a marié illusion et science au XIXe siècle. Voici deux siècles est né Jean Eugène Robert, dit Robert-Houdin, père de la magie moderne. Pour célébrer ce bicentenaire, les deux lieux les plus concernés en France, la Maison de la magie de Blois et le musée de la Magie de Paris, proposent rencontres, livres, dvd et expositions dédiés à l'inventeur des Soirées Fantastiques du Palais-Royal (lire page suivante). Sur le même sujet DVD, expos, bibliographie... Il y a du travail ; car, étrangement, Robert-Houdin est encore largement méconnu en France, alors qu'il est célèbre en Angleterre, a triomphé en Allemagne et que l'Amérique collectionne ses pièces et lui a même inventé un «fils» fameux, Houdini (Harry), roi de l'évasion en apnée, qui écuma les scènes mondiales trente ans après la mort du modèle. Automates. Robert-Houdin était un autodidacte entre illusion et science, entre spectaculaire et inventions savantes, comme certains de ses pairs Niépce, Marey, Méliès , les poètes de la matière du XIXe siècle, attitude qui reste si caractéristique d'une époque «spirite» qui refusait de choisir entre le laboratoire, la salle de spectacle et le cabinet de curiosités, préférant mêler les trois en un frisson nommé «nouveauté». Né à Blois le 7 décembre 1805, fils d'horloger, le jeune homme se passionne pour les mécanismes et les automates. Mais c'est un gros manuel, tombé par erreur sous ses yeux, qui l'oriente à 20 ans vers l'art de l'illusion, l'Encyclopédie des amusements des sciences mathématiques et physiques, soit les rudiments de l'«escamotage». Tout l'apport de Robert-Houdin qui s'invente ce nom de scène en collant au sien celui de sa femme, séduite par l'un de ses tours, tombant dans les pommes et dans ses bras quand il s'enfonce un bout de bois dans l'oeil... tient dans sa manière de dépoussiérer l'escamotage d'autrefois. A Bosco, mi-sorcier mi-enchanteur, le plus connu des escamoteurs parisiens des débuts du XIXe, se voulant maléfique et s'habillant macabre, Robert-Houdin succède en «illusionniste» pré-Lupin, élégamment costumé, parlant une langue stylée, introduisant dans son spectacle de multiples machines, automates ou numéros inspirés par les progrès scientifiques du temps. Inventions. Ses premiers succès sont d'ailleurs des brevets, déposés en 1837 pour l'invention d'un réveil-briquet, en 1839 pour sa Pendule mystérieuse dont les mécanismes sont invisibles, en 1844 pour son Ecrivain-dessinateur, un automate qui fait l'admiration du roi Louis-Philippe. Mais c'est en juillet 1845 que Robert-Houdin connaît une gloire rapide avec l'ouverture, au Palais-Royal, lieu traditionnel des spectacles magiques à Paris, de son propre Théâtre des soirées fantastiques. S'y presse un public bourgeois, bien mis, familial, à la fois attiré par les dernières trouvailles du jour, fasciné par ses tours les plus fameux les disparitions et apparitions d'enfants, la suspension dans les airs du propre fils (authentique) de Robert-Houdin et rassuré par cet illusionniste poli en frac, évoluant dans un décor cossu de lambris dorés. Il est à la fois l'exotisme, le mystère et la conjuration presque l'apprivoisement de ces tentations diaboliques. Dix années durant, il est la vedette des soirées européennes, multipliant les spectacles, les leçons particulières, les tournées Robert-Houdin devient même le chouchou de la reine Victoria et donne à la magie l'un de ses automates les plus célèbres, Antonio Diavolo, petit voltigeur au trapèze qui obéit au doigt et à l'oeil aux injonctions de son maître. Le «French conjuror» triomphe à Londres comme à New York, puis à Berlin, où il joue quatre mois de suite devant une salle comble. Avant de mettre brusquement fin à sa carrière en 1854. Insatiable curieux. C'est à la «science électrique» qu'il se consacre alors, ainsi qu'à la propriété acquise près de Blois, le prieuré de Saint-Gervais, manoir qu'il transforme en laboratoire du mystère. Les portes sont automatiques, le parc empli d'automates, un banc se déplace tout seul, et c'est la première propriété au monde électrifiée, éclairée par ampoules. Robert-Houdin reste un insatiable curieux, mais sa curiosité ne semble jamais assouvie, ni par l'érudition, ni par la pratique scientifique, ni par les arts de la magie. C'est comme s'il voulait tout avancer de front, tout imbriquer. Et plaire au public avec cet imbroglio des passions du siècle. Sans doute est-ce un peu trop pour lui, et sa gloire va peu à peu s'éteindre après sa sortie de scène. Il meurt en juin 1871, quelques mois après la disparition de son fils aîné, son complice préféré. Mais son théâtre lui survit, repris en 1888 par Méliès, qui y utilisera le nouveau Cinématographe comme un prolongement naturel de l'art illusionniste. Soirée fantastique. En cet hiver de bicentenaire, les machines et les savoirs de Robert-Houdin, comme sa vie, nous reviennent restaurés, commentés, illustrés. Le musée de la Magie présente ainsi la plus belle collection actuelle d'automates et d'horloges, réunis par Christian Fechner, le producteur de cinéma passionné de longue date. La Maison de la magie propose une Journée spéciale, demain, avec démonstrations, conférences, animations et «soirée fantastique» à la manière même de Robert-Houdin, présentée par Pierre Switon, l'un des héritiers du maître. Et l'on ne manquera ni les Confidences de Robert-Houdin, édition illustrée et annotée, ni la biographie en quatre gros volumes, bible éditée par Fechner. Pas plus que le documentaire de Jean-Luc Muller, désormais en dvd, qui reconstitue en live le principal tour de Robert-Houdin, la Suspension éthéréenne, redonnant vie au poème composé par l'illusionniste lui-même : «Ce cher enfant suspendu/Présente tant de grâce et de légèreté/Que le spectateur enchanté/Pour l'applaudir, lorsqu'il l'a vu/ En suspens n'est jamais resté...»