Découverte Riches moissons martiennes- Les robots Opportunity et Spirit ont découvert, sur la Planète rouge, de nouveaux indices de la présence passée d'eau liquide, indispensable à la vie.La revue américaine Science en a fait l'événement de l'année. En 2004, les regards ont été braqués sur la planète Mars, explorée simultanément par deux robots de la NASA, Spirit et Opportunity, ainsi que par une sonde de l'Agence spatiale européenne (ESA), Mars Express, venue compléter les deux sondes américaines Mars Global Surveyor et Mars Odyssey, lancées en 1997 et en 2001. Pour justifier son choix, Science met en avant "la nouvelle preuve"apportée par les deux robots que "Mars a été autrefois chaude, humide et riche en sels", ce qui en fait une candidate à l'émergence de la vie."Sur Mars, une seconde chance pour la vie", claironne la revue. Plus sobre, mais non moins enthousiaste, Francis Rocard, responsable des programmes d'exploration du système solaire au Centre national d'études spatiales (CNES), estime qu'"une étape importante"a été franchie. "Jusqu'à présent, nous en étions réduits à interpréter des images et à échafauder des scénarios. Désormais, nous disposons d'éléments solides", dit-il avec gourmandise."ROCHES EN PLACE"En larguant avec succès, sur le sol martien, ses deux petits véhicules à six roues bardés de capteurs et d'instruments de mesure, la NASA a déjoué la malédiction qui semblait peser sur la quatrième planète du système solaire, vers laquelle les deux tiers des missions d'exploration avaient jusqu'alors échoué. Technologiquement, la réussite de ce programme de 820 millions de dollars (605 millions d'euros) dépasse ce qu'escomptaient les bricoleurs de génie du Jet Propulsion Laboratory (JPL) de Pasadena (Californie). Les deux "rovers", des véhicules à six roues programmés pour fonctionner pendant trois mois, se sont montrés si vaillants que leur mission a été prolongée à deux reprises. S'ils restent aussi alertes, ils demeureront en service jusqu'en mars 2005.En outre, à la différence de la mission américaine Pathfinder de 1997, durant laquelle un autre robot, Sojourner, avait tenu le public en haleine par ses pérégrinations, mais qui n'avait livré que peu de résultats scientifiques, la moisson est cette fois appréciable.C'est au second robot, Opportunity, posé le 25 janvier dans la région de Meridiani Planum, que l'on doit les observations les plus spectaculaires. Au mois de juin, le rover s'est aventuré à l'intérieur d'un vaste cratère de 132 mètres de diamètre, baptisé Endurance. Il y a découvert ce que les géologues nomment des "roches en place", par opposition avec les cailloux des surfaces et les débris minéraux laissés par les impacts de météorites. A l'examen, ces roches affleurantes, représentatives de la composition de la croûte martienne, se sont révélées d'origine sédimentaire, alors que l'on ne connaissait sur Mars, jusqu'alors, que des roches basaltiques d'origine volcanique."C'est la preuve qu'il y a eu, à un moment donné, transport de matériaux et façonnage par de l'eau liquide", commente Francis Rocard. Plusieurs indices le confirment. Ces roches affleurantes, composées majoritairement de jarosite (un sulfate de potassium et de fer de couleur jaune ou brune), sont riches en sels de soufre - dont la teneur dépasse en certains endroits 40 % -, de chlore et de brome, ce qui implique qu'il y a eu un processus de dissolution dans l'eau, puis de concentration. En outre, ces sédiments présentent des vacuoles, cavités microscopiques créées par la dissolution des matériaux qui les emplissaient à l'origine. Ce qui donne à penser que ces formations rocheuses ont été soumises à l'action de l'eau même après leur sédimentation.Le frère jumeau d'Opportunity, Spirit, s'est montré moins chanceux. Premier à s'être posé, le 4 janvier, dans le cratère Gusev situé aux antipodes du site d'atterrissage d'Opportunity, le petit véhicule n'y a d'abord trouvé que des roches volcaniques. Une déception pour la NASA, persuadée que, dans un passé lointain, ce cratère avait été un lac.Spirit s'est racheté voilà peu, en détectant quelques kilomètres plus loin, sur les collines Columbia - ainsi baptisées en souvenir de la navette américaine -, une roche, la goethite, qui, comme la jarosite, porte la signature de l'eau. "La goethite se forme uniquement en présence d'eau", indique Goestar Klingelhoefer, de l'université de Mayence (Allemagne), responsable de l'analyse des minéraux. Cette eau, précise-t-il toutefois, peut se trouver à l'état liquide, solide ou gazeux, ce qui rend la découverte moins intéressante que celle d'Opportunity.Il n'empêche. "Tous ces éléments nous confortent dans l'idée que de l'eau a coulé sur Mars, suffisamment longtemps pour qu'apparaissent des roches sédimentaires", résume Francis Rocard. "La question n'est plus de savoir s'il y a eu de l'eau liquide, poursuit-il, mais à quelle époque et pendant combien de temps". Qui dit eau liquide dit, en effet, possibilité de vie et c'est bien sûr elle qui constitue le principal moteur de l'exploration martienne.Encore faut-il que cette eau ait été présente suffisamment longtemps pour que la vie ait pu émerger, ce qui a demandé, sur Terre, entre 500 millions et un milliard d'années. Or, même si certains paysages martiens - pentes ravinées, vallées de débâcle, structures ramifiées - peuvent être interprétés eux aussi comme des stigmates d'écoulements anciens, rien ne permet de savoir si ceux-ci ont été durables ou éphémères. Et aucune trace d'activité biologique n'a encore été détectée."Nous n'avons pas de preuve que la vie ait existé un jour sur Mars. Les résultats que nous engrangeons sont simplement compatibles avec cette hypothèse. Il n'existe aucun indice contraire", conclut avec prudence Francis Rocard. Plus que jamais, à ses yeux, "Mars mérite qu'on continue à l'explorer".Pierre Le HirEn route vers Titan, la lune rousse de SaturneMars se sera partagé la vedette de l'exploration planétaire, en 2004, avec Saturne. Le 1er juillet, après un voyage de sept ans et de 3,5 milliards de kilomètres, la sonde américano-européenne Cassini-Huygens s'est faufilée entre ses anneaux pour se mettre en orbite autour de la planète géante. Elle la survolera 76 fois en quatre ans. Déjà, Cassini a transmis d'extraordinaires images du système saturnien. La mission vient d'entrer dans une phase cruciale, avec le largage, prévu dans la nuit de Noël, de la sonde Huygens. Celle-ci devait se diriger vers Titan, pour finir sa course, le 14 janvier 2005, en plongeant dans l'atmosphère de la plus grosse des lunes de Saturne. Ce satellite glacé excite la curiosité des exobiologistes, car il y règne des conditions propices à la formation de molécules prébiotiques qui, sur Terre, voilà près de 4 milliards d'années, ont permis l'apparition de la vie.
