Annonce Renvoi de Turgot Le 12 mai 1776, le roi Louis XVI renvoie son ministre, Anne Robert Turgot. Cet économiste brillant et généreux (1727-1781) était contrôleur général des finances du royaume. Lorsque le roi l'avait appelé à cette fonction, le 24 août 1774, quelques semaines après son avènement, il avait osé l'avertir en ces termes : «Il faut, Sire, vous armer contre votre bonté, de votre bonté même, considérer d'où vous vient cet argent que vous pouvez distribuer à vos courtisans». Un libéral avant l'heure Turgot figure parmi les disciples de François Quesnay, partisan du libéralisme («laissez faire, laissez passer !»). À ce titre, on le qualifie de physiocrate. À son arrivée au ministère des Finances, il découvre une situation catastrophique avec un déficit de 22 millions de livres assez important pour que son prédécesseur, l'abbé Terray, ait recommandé la banqueroute. Turgot veut éviter cette solution par laquelle l'État se reconnaît incapable de rembourser ses créanciers, car elle ruinerait la confiance du public et rendrait impossible tout nouvel emprunt. Il fait quelques économies en taillant dans les dépenses de la Maison du roi et en supprimant les corps de parade. Mais comme cela est loin de suffire, il engage aussi des réformes audacieuses pour faire rentrer les impôts et libérer l'économie des entraves administratives. Les spéculateurs manipulent le peuple Un édit du 13 septembre 1774 met fin à «l'emprisonnement du blé» en supprimant les droits de douane intérieurs sur le commerce du blé et en introduisant la libre circulation du grain. Ignorant des principes de l'économie, le peuple croit cependant que cette liberté de circulation va aggraver les disettes. Une augmentation momentanée du prix du blé donne du crédit à ses craintes et provoque une série d'émeutes dans les villes, la «guerre des farines», en avril-mai 1775. Les spéculateurs comme le prince de Conti se gardent bien d'éclairer le peuple car ils tirent leur fortune des limites à la circulation des grains qui leur permettent de provoquer artificiellement des pénuries localisées. Habilement, ils manipulent le peuple et entament une cabale contre le ministre. Celui-ci n'en poursuit pas moins le train des réformes. Les spéculateurs man Le 5 janvier 1776, un édit supprime les corporations qui entravent la liberté d'entreprendre et l'initiative. Dans les semaines qui suivent, d'autres édits abolissent les corvées qui pèsent sur les paysans. Turgot prévoit de remplacer ces corvées destinées à l'accomplissement des travaux d'utilité publique par un impôt sur tous les propriétaires, la «subvention territoriale». C'est un tollé chez les privilégiés qui ne supportent pas les Six Édits présentés au Conseil du Roi et en particulier le projet de subvention territoriale. C'est ainsi que Louis XVI cède à leur pression et prend le parti de renvoyer son ministre. La veille de son renvoi, celui-ci écrit au roi : «N'oubliez jamais, Sire, que c'est la faiblesse qui a mis la tête de Charles 1er sur un billot». Sitôt Turgot parti, ses réformes sont balayées. Les corporations, qui freinent l'esprit d'entreprise sont rétablies... mais à titre facultatif. La corvée royale, qui permet de réquisitionner les paysans pour des travaux d'intérêt général, est aussi rétablie. Le projet d'impôt unique sur tous les propriétaires, dénommé subvention territoriale, passe à la trappe. Le banquier suisse Jacques Necker succède peu après à Turgot. Pour financer l'entrée en guerre de la France aux côtés des colons américains insurgés contre le roi d'Angleterre, il ne trouve rien de mieux que de lever des emprunts à taux élevé. Ces emprunts accroissent la dette de l'État. Pour trouver de l'argent et modifier l'assiette de l'impôt, Louis XVI va devoir convoquer les états généraux. Ce sont les prémisses de la Révolution.