Mort de Rémy Leveau
Mort Rémy Leveau, politologueLe politologue Rémy Leveau est mort, mercredi 2 mars, à Paris, des suites d'une mauvaise bronchite. Il était âgé de 72 ans.Cet ancien professeur à l'Institut d'études politiques de Paris (IEP), conseiller scientifique à l'Institut français des relations internationales (IFRI), a marqué des générations d'étudiants. Il a été à l'origine de nombreuses vocations de spécialistes du monde musulman.Né le 6 juillet 1932, diplômé de l'IEP de Paris en 1955, Rémy Leveau était docteur en droit et agrégé de sciences politiques. Il a d'abord été en poste au Maroc, comme enseignant à la faculté de droit de Rabat, de 1958 à 1965, puis comme conseiller juridique au cabinet du ministre marocain de l'intérieur, de 1968 à 1974.C'est dans ce cadre qu'il mène une mission d'expertise qui donnera naissance à sa thèse, publiée en 1976 sous le titre Le Fellah marocain défenseur du trône (Presses de la FNSP). Cette étude fait encore figure d'ouvrage fondateur de la sociologie électorale marocaine.Rémy Leveau a occupé ensuite plusieurs postes dans le monde arabe : conseiller culturel à l'ambassade de France à Tripoli (Libye), puis professeur à la faculté de droit de l'université Saint-Joseph de Beyrouth (Liban), il est ensuite conseiller culturel à l'ambassade de France au Caire (Egypte), de 1980 à 1983.ÉTUDES STATISTIQUESA son retour en France, il met sur pied un programme doctoral sur le monde arabe à l'Institut d'études politiques de Paris et constitue une petite équipe de recherche sur l'islam de France. Il est le premier à s'intéresser à ce sujet.A cette époque, aimait-il rappeler, on lui disait volontiers qu'il s'agissait d'une "fausse question"... Il a été l'un des premiers à tenir pour acquise la sédentarisation des populations musulmanes immigrées.Avec Gilles Kepel et Catherine Wihtol de Wenden, Rémy Leveau a mené les premières enquêtes et études statistiques sur l'islam de France. Il a publié en 1987, avec Gilles Kepel, Les Musulmans dans la société française (Presses de la FNSP). Il s'est ensuite intéressé au parcours des élites musulmanes et a publié en 2001 La Beurgeoisie : les trois âges de la vie associative issue de l'immigration, avec Catherine Wihtol de Wenden (CNRS Editions).Rémy Leveau aura marqué la transition entre la génération des "orientalistes", tels que Jacques Berque, et celle des sociologues de l'islam, appliquant les méthodes des sciences sociales au monde musulman. Lui-même n'était pas arabisant, mais il encourageait vivement ses élèves à faire l'apprentissage de l'arabe afin de mener des enquêtes de terrain.POUR UNE DÉMOCRATISATIONLe professeur Leveau a été notamment le maître de Gilles Kepel, qui lui a succédé à la tête du programme d'études sur le monde musulman à l'IEP. En 1994, ses étudiants ont publié un livre d'hommage, sous le titre Exils et royaumes, sous la direction de Gilles Kepel. Rémy Leveau a été également directeur adjoint au Centre Marc-Bloch, à Berlin, de 1994 à 1997.Le professeur Leveau a publié de nombreux essais politiques, parmi lesquels Le Sabre et le Turban (François Bourin, 1993), dans lequel il analysait les relations complexes entre militaires et élites politiques dans les régimes autoritaires.Rémy Leveau plaidait pour la démocratisation du monde musulman et le "compromis" entre le pouvoir et les islamistes modérés, estimant que ceux-ci pourraient évoluer vers une "social-démocratisation".Après sa retraite, M. Leveau a conservé de nombreuses activités, sillonnant Paris sur son vélo. Très discret sur les drames personnels qu'il avait vécus, il était membre du cercle d'intellectuels chrétiens Confrontations.Pour Gilles Kepel, "il a été le grand entrepreneur qui a fourni toutes les conditions pour rendre possible la recherche française sur le monde arabe".