Mort de Reinhart Koselleck

Mort Reinhart Koselleck, historien allemand L'historien allemand Reinhart Koselleck est mort vendredi 3 février, à l'âge de 82 ans. Ayant joué un rôle de premier plan, depuis le début des années 1960 jusqu'à aujourd'hui, dans les renouvellements de l'histoire, Reinhart Koselleck a également acquis une audience internationale. Passionné par l'histoire comme connaissance, il a été un point de repère, un inspirateur, n'hésitant pas à intervenir, quand il le jugeait utile, dans le débat public. Jusqu'à ces dernières semaines encore, il était très actif, écrivant, donnant des conférences, préparant de nouveaux livres. Plusieurs de ses ouvrages ont été traduits en français : Le Règne de la critique (Ed. de Minuit, 1979), Le Futur passé. Contribution à la sémantique des temps historiques (Ed. de l'Ehess, 1990), L'Expérience de l'histoire (Gallimard/Le Seuil, 1997). De lui, je garde l'image d'un petit homme vif, courtois, ayant le goût de la discussion et de l'échange. Ainsi, lors d'un colloque organisé à Sofia en 2003 autour de son oeuvre, il sut associer attention à tout ce qui se disait et pertinence dans les réponses qu'il se faisait un point d'honneur à apporter à chaque intervenant, éclairant, précisant, lançant de nouvelles questions. Avant que, les débats terminés, il ne puisse aller photographier des monuments aux morts qui manquaient encore à sa collection. Reinhart Koselleck appartenait à une génération encore directement marquée par les guerres : celle de 1914, qu'il n'a pas vécue (il est né en 1923 à Görlitz, en Saxe), celle de 1940, dont il a eu l'expérience directe (il a été mobilisé, a combattu à l'Est, a été blessé et fait prisonnier). Encore de plain-pied avec la tradition philosophique allemande et les philosophies de l'histoire, lui qui a suivi, entre autres, les enseignements de Karl Löwith et de Hans-Georg Gadamer, il reprend les choses autrement et d'ailleurs. Il fait le choix de l'histoire et commence par étudier les Lumières, la Révolution, la modernité européenne, loin des débats sur l'historisme, le Sonderweg allemand ou l'histoire nationale. De l'étude suivie de cette période de l'histoire sort une bonne part de ses réflexions et propositions. D'une part la temporalisation de l'histoire, avec le passage du pluriel "les histoires" à "l'Histoire" processus, au singulier ; d'autre part l'histoire des concepts (Begriffgeschichte). Mais rien ne serait plus faux que de le tenir pour une sorte de lexicographe de l'histoire. L'histoire des concepts, c'est justement la dimension historique des concepts, leur temporalisation et ses effets sur leurs usages et leurs acceptions. Pour lui, histoire des concepts et histoire sociale marchent la main dans la main. D'ailleurs, Reinhart Koselleck fut l'un des fondateurs de l'Université nouvelle de Bielefeld, ce creuset de l'histoire sociale allemande dont Jürgen Kocka est aujourd'hui le représentant le plus connu. S'il occupait la chaire de théorie de l'histoire, il fut toujours tenu par la profession pour un historien à part entière, car, par son approche théorique, il ne visait pas à bâtir un système de l'histoire, mais à faire lui-même de l'histoire et à permettre aux autres d'en faire de manière plus riche et plus réflexive. Au moment des débats autour des monuments berlinois (qu'il s'agisse de la Neue Wache, avec la Pietà de Kate Kollwitz, ou du Mémorial juif), il intervint, comme citoyen, mais aussi comme cet historien qui, des années durant, s'était consacré à l'étude des monuments aux morts dans une perspective comparatiste. On retrouve la guerre. Or ce livre, sa grande affaire, qu'il disait depuis longtemps vouloir achever, il ne l'acheva pas.