Annonce Recours à l'armée envisagé pour lutter contre la violence dans le sud de l'Italie Le gouvernement italien s'apprête à envoyer un millier de policiers et de carabiniers en renfort à Naples pour faire face à une recrudescence de la violence. Elle est à l'origine de la mort de douze personnes en dix jours. Cette série de meurtres porte à 72 le nombre de morts violentes enregistrées depuis le début de l'année dans la cité parthénopéenne. La plupart sont le résultat de règlements de comptes entre clans rivaux de la Camorra, la Mafia locale, mais pas seulement. Des touristes, une enfant, de simples passants, sont au nombre des victimes depuis cet été. Lundi 30 octobre, en plein centre-ville, des tueurs ont assassiné un rival, au milieu de la foule, blessant au passage une jeune femme. Plusieurs meurtres récents ont été le fait de délinquants mineurs ou de commerçants armés, agissant en légitime défense. Face à ce que le Vatican appelle "un climat de mort (qui) opprime la ville", l'émotion est si grande que de nombreux responsables politiques ont souhaité voir le gouvernement faire appel à l'armée. Certains sur le ton de la provocation, comme Roberto Calderoli, vice-président du Sénat : "Envoyons les troupes spéciales retirées du Kosovo, de l'Irak et de l'Afghanistan, car, désormais, un barrage de contrôle à Naples peut être aussi dangereux qu'un check-point à Bagdad", a proposé, mardi 31 octobre, ce dirigeant du parti populiste de la Ligue du Nord. Pour le ministre de la justice, Clemente Mastella (Udeur, centre gauche), lui-même élu de la région, "l'armée est une hypothèse qu'il faut prendre en considération, elle n'est plus taboue". L'utilisation de l'armée pour rétablir l'ordre public est loin de faire l'unanimité, bien qu'elle ait porté quelques fruits contre la Mafia, en Sicile, dans les années 1980. "Les opérations de ce genre, on sait quand ça commence, mais pas quand ça finit", a expliqué le général Giulio Fraticelli, ancien chef d'état-major de l'armée, au quotidien Il Messaggero, rappelant que "les Vêpres siciliennes durèrent six ans". Pour le vice-ministre de l'intérieur, Marco Minniti, "ce serait un signe de dramatisation risquant de transmettre un sentiment d'impuissance". Ancienne ministre de l'intérieur, la maire de Naples, Rosa Russo Iervolino (démocrates de gauche, DS) refuse de voir sa ville "militarisée", mais réclame plus de moyens pour les forces de l'ordre. Les 1 000 policiers supplémentaires - "des agents libérés de tâches administratives et des forces nouvelles", précise le ministère - s'ajouteront aux 13 500 hommes déjà en service dans la grande agglomération, sans compter les 2 200 policiers municipaux de Naples. L'hebdomadaire L'Espresso (centre gauche) remarquait, il y a quelques semaines, que "c'est exactement le double des troupes occidentales qui défendent la province de Kaboul contre le retour des talibans". Le plan "Naples sûre" que le ministre de l'intérieur, Giuliano Amato, devrait signer, le 9 novembre, avec les élus locaux, et dont il a donné les grandes lignes, mardi, prévoit surtout "des mesures structurelles" : dotation en motocyclettes pour poursuivre les malfaiteurs dans les ruelles étroites du centre-ville, meilleure coordination entre police, carabiniers et garde des finances, installation d'un système de vidéo-surveillance et recours aux services de renseignements. Un projet très ancien de "Citadelle de la police" pourrait enfin voir le jour : "Elle marquera symboliquement la reconquête par l'Etat d'une vaste zone au centre de la ville", a déclaré Giuliano Amato. Mais Naples n'est pas un cas unique. "La question de la criminalité concerne tout le Mezzogiorno", a précisé le chef du gouvernement, Romano Prodi. Un jeune espoir du football a été tué en pleine rue, lundi, à Bari (Pouilles) : il était le neveu d'un boss local. La petite ville de Lamezia Terme (Calabre) a connu quinze attentats dans la dernière semaine - entreprises, automobiles et autobus brûlés -, sans doute liés à un racket. "Nous estimons inutile d'isoler les urgences, parler un jour de Naples, un autre de la Calabre, puis de la Sicile : il y a un problème général qui réclame une approche globale", a expliqué le président du conseil.