Mort de Raymond Hermantier

Mort Raymond Hermantier, comédien et metteur en scène de théâtre Avec Raymond Hermantier, mort vendredi 11 février, à Paris, à l'âge de 81 ans, disparaît un homme de théâtre qui a mené une expérience rare, dans la lignée de l'éducation populaire chère à André Malraux. Une expérience inscrite essentiellement sur la terre africaine, où le comédien et metteur en scène a travaillé pendant près de trente ans, en particulier au Théâtre Daniel-Sorano de Dakar. Né à Lyon en 1924, Raymond Hermantier a fait ses débuts pendant la seconde guerre mondiale. Il était ouvrier zingueur et voulait à tout prix échapper au Service du travail obligatoire (STO), en Allemagne. Un soir, alors qu'il se "planquait", il entre au Théâtre des Célestins où joue la troupe de Maurice Jacquemont. Il se fait engager comme balayeur, puis figurant, puis acteur. Traqué par les services du STO, il rejoint les maquis du Vercors, jusqu'à la Libération. En 1947, ce jeune homme au profil d'aigle, famélique et anarchiste, part tenter sa chance à Paris. La même année, il rejoint Jean Vilar à Avignon, où se tient la première Semaine d'art. Cette rencontre scelle définitivement sa vocation. Deux ans plus tard, il signe sa première mise en scène remarquée, Les Habits du duc, d'après Andersen, un spectacle placé sous l'égide de Louis Jouvet. Les années 1950 s'ouvrent sur une mise en scène qui triomphe, Jules César, de Shakespeare, dans les Arènes de Nîmes, où Raymond Hermantier caresse le projet de concurrencer le Festival d'Avignon. Il y revient plusieurs fois, présentant Coriolan, de Shakespeare, Faust, de Goethe, ou des textes de Maurice Clavel. Ces succès imposent Raymond Hermantier comme un des premiers jeunes "animateurs" -, le mot de l'époque. C'est alors que, en raison de son itinéraire et de son engagement, il est incité par André Malraux à mener des missions d'éducation populaire hors de France. Le voilà en Afrique, qui devient sa terre d'élection, lui valant bientôt le surnom affectueux de "Hermantier l'Africain". Il anime des stages et s'imprègne des cultures traditionnelles, tout en poursuivant son travail en France, où il monte en particulier Marie Stuart, à la Comédie-Française, en 1963. En 1967, Léopold Sédar Senghor, président du Sénégal, lui demande de devenir "conseiller à la réalisation" au Théâtre Daniel-Sorano de Dakar. Il monte des auteurs africains (Ousmane Sebene, Anta Ka...) et des classiques du répertoire mondial (Macbeth, Tête d'Or...), en français et en wolof, et emmène la troupe dans des tournées en Afrique, aux Antilles et en Europe. Quand il revient définitivement en France, en 1984, Raymond Hermantier a beaucoup de mal à retrouver une place dans le théâtre. Il apparaît parfois à l'affiche, par exemple pour Meurtre dans la cathédrale, de T. S. Eliot, dont il cosigne la mise en scène avec Laurent Terzieff, en 1995. Mais son histoire est derrière lui, dans sa "chère Afrique."