Concert Queens of the Stone Age rend le hard rock populaire la dix-septième édition des Eurockéennes de Belfort a débuté, vendredi 1er juillet sous un ciel clément, donc inaccoutumé pour ce rendez-vous annuel, en dépit d'une courte averse. Chaque festivalier a rapidement retrouvé ses repères : la presqu'île de Malsaucy et ses deux étangs, la tartiflette et la soupe de pois pour les petits creux, les stands qui proposent des colifichets remontant à l'âge de Woodstock. Immuables et imperturbables Eurockéennes, archétype du rassemblement rock à ciel ouvert avec ses tribus bigarrées, sa bière qui coule à flots et ses volutes de cannabis. Une étape obligée de l'été des festivals Les Eurockéennes sont nées en 1989 de la volonté du conseil général du Territoire de Belfort d'offrir à la jeunesse de la région le grand festival de rock qui manquait alors à l'été français. La première édition ne réunit que 10 000 festivaliers autour d'une programmation essentiellement européenne. En 1992, le festival a grandi (60 000 spectateurs) et s'est tourné vers les Etats-Unis, devenant une étape obligée des grands noms qui traversent l'Europe de festival en festival, de James Brown à R.E.M. en passant par les Pixies (en 1991 au temps de leur splendeur puis en 2003 pour leur reformation). Ces dernières années, l'affluence a varié en fonction des intempéries, allant de 68 000 entrées en 2001, année où une journée a dû être annulée et le site évacué après des orages, à 95 000 en 2004. En 2003, le soutien des organisateurs au mouvement des intermittents avait permis d'éviter l'annulation qui avait frappé de nombreux autres festivals. [-] fermer Pourtant, depuis quelques années, l'essentiel a changé : la programmation musicale. Une nouvelle équipe a fait venir des talents émergents dans le Territoire. Avec les risques inhérents. On peut être déçu, notamment par les Canadiennes de CocoRosie, deux soeurs, Bianca et Sierra Cassady, que la rumeur présente comme des révolutionnaires du folk. En fait, des émules de Kate Bush et de Björk, qui en accentueraient tous les défauts (voix crispantes et synthétiseurs planants) tout en entretenant auprès des béotiens l'illusion d'avoir découvert la musique concrète. On peut aussi être emballé par des musiciens moins prétentieux dans leurs intentions et autrement efficaces dans leurs résultats. Les Queens of the Stone Age jouaient pour la première fois dans un festival français alors qu'ils ont déjà à leur actif quatre albums acclamés par la critique. C'est un groupe de hard rock, issu de Palm Springs, Californie. Il ne lui viendrait pas à l'idée de se revendiquer de Pierre Henry. Sa culture est celle de l'Amérique "white trash", hédoniste et barbare : le fameux triptyque sexe, drogue et rock'n'roll. Nombre de groupes se sont ridiculisés en jouant avec ces clichés, les Queens of the Stone Age parviennent à les transcender. A leur tête, un géant rouquin, le chanteur et guitariste Josh Homme, qui ne répond à aucun archétype du "métalleux". A le voir, on hésite plutôt entre le garçon de ferme et le surfer du dimanche. Peu importe, il est en train de sortir le hard rock de son ghetto pseudo-sataniste et de ses clowneries de grand-guignol. MASSE PHYSIQUE Lors d'une conférence de presse précédant le concert, il tenait des propos incorrects vis-à-vis de ses fans, affirmant "préférer Tom Waits au heavy metal". D'ailleurs, il s'intéresse plutôt au blues, "pour le rendre actuel et non pas pour faire du rétro comme Robert Cray". Avant de conclure magistralement par un "il faut déclaptoniser le blues". Belle déclaration d'intention. Mais elle est suivie d'effets. Avant la nuit, les Queens of the Stone Age font décoller les Eurockéennes. Josh Homme, tout en muscles tendus sous un T-shirt noir sans manche, fait peser sa masse physique sur sa guitare, dont il joue habilement, capable de chanter à contretemps des riffs. Il en est récompensé par des vols planés dans les premiers rangs et une invasion de la prairie de Malsaucy. Cette effusion est d'autant plus remarquable que Josh Homme n'appartient pas à la confrérie des hurleurs du heavy metal. Sa voix serait plutôt blanche, étouffée, même lorsqu'elle s'essaie au registre du fausset. Cette neutralité met mieux en valeur la dynamique du groupe portée par un batteur au torse nu tatoué et une claviériste-vocaliste qui évoque une version destroy de l'actrice Angelina Jolie. EXCITATION ORIGINELLE Peu à peu, le pouvoir de séduction de cette musique devient compréhensible : elle s'est débarrassée des avatars tardifs du hard rock notamment la lourdeur symphonique pour raviver l'excitation originelle, née à la fin des années 1960. Ces guitares distordues et bancales, serpentines et entrelacées, doivent plus aux expériences cosmiques du Jimi Hendrix Experience qu'à la puissance de feu de Metallica. Ces ruptures de rythme et ces accélérations foudroyantes réveillent le souvenir de Steppenwolf et d'Hawkwind. A l'origine de Queens of the Stone Age, il y eut Kyuss, groupe emblématique du mouvement appelé "stoner". Un terme qui ne désigne pas la dureté de la pierre sur laquelle s'est bâti le metal, mais bien le "défoncé". Assimilés abusivement au hard rock, les Queens of the Stone Age sont les derniers descendants d'un bruitisme psychédélique né dans le désert de Captain Beefheart, entre lézards et crotales, aveuglement du soleil et obscurité du coma. Eurockéennes de Belfort, le 1er juillet. Prochains concerts : Cake, The National, Bonnie Prince Billy, Ghinzu, Nosfell & Ez3Kiel, Cali, Kas Produkt, Garbage, Vitalic..., le 2. 36 €