Annonce Quand la RTT trinque, le PS se requinque La nouvelle réforme des 35 heures, débattue aujourd'hui à l'Assemblée, resoude les socialistes. uelle mouche a donc piqué la droite ? A mi-parcours de la législature, le lobby ultralibéral de l'UMP ressort les 35 heures via une proposition de loi préparée par les députés Pierre Morange (Yvelines) et Hervé Novelli (Indre-et-Loire). Débattu à partir d'aujourd'hui à l'Assemblée nationale, ce texte ouvre une large brèche qui permettra aux entreprises de contourner la durée légale du travail. La proposition de loi Morange-Novelli a d'abord une fonction politique : envoyer un message à l'électorat de droite. Mais elle a eu un effet collatéral : réussir la performance de mettre tous les socialistes d'accord ! De François Hollande à Laurent Fabius en passant par Dominique Strauss-Kahn et bien sûr Martine Aubry (lire ci-contre), les éléphants du PS montent au créneau pour défendre cette réforme phare des années Jospin. «Martine, tu peux compter sur moi», s'est enflammé DSK, dimanche, à la tribune de la Mutualité à Paris. La droite cherche «une revanche idéologique», a déploré hier Julien Dray, porte-parole du PS, en prévenant que les socialistes livreraient «une bataille parlementaire». 2002 oublié. Le temps n'est pas si loin pourtant où certains socialistes mettaient l'éviction de Jospin au premier tour de la présidentielle de 2002 sur le dos des 35 heures, alors synonyme de flexibilité et de baisse du pouvoir d'achat pour les catégories populaires. Fabius, Strauss-Kahn et d'autres responsables étiquetés «modernes» avaient pointé, chez les salariés modestes ­ socle électoral traditionnel de la gauche ­ les dégâts d'un dispositif jugé trop rigide. Mais ces critiques avaient été vite étouffées. Pas touche au bilan Jospin. Deux ans plus tard, l'unanimité socialiste doit encore beaucoup à ce tabou. «S'attaquer aux 35 heures, c'est s'attaquer à Jospin», autant dire que c'est impossible, reconnaît un membre de la direction du PS. D'autant que l'ancien Premier ministre a personnellement défendu cette réforme «importante» lors d'une récente réunion de sa section dans le XVIIIe arrondissement de Paris. La gauche saisit aussi une occasion de recréer du clivage avec la droite. Mais pour contenir le leitmotiv de la majorité ­ «Travailler plus pour gagner plus» ­ qui aguiche l'électeur au portefeuille, elle tente de tirer les leçons du passé. «Nous devons défendre les 35 heures en faisant le lien avec l'emploi et le pouvoir d'achat», explique Claude Bartolone, proche de Fabius. «C'est une revendication du Medef, rappelle Jean-Christophe Cambadélis, député de Paris. Nous devons démontrer que nous ne céderons pas. Si le PS, qui doit être le parti du salariat, ne défend pas les 35 heures, sur quoi s'appuiera-t-il ? La droite a déjà la sécurité. Et elle cherche à récupérer le travail.» Laguiller en appui. Pour Eric Besson, député de la Drôme, «il y a une indécence à voir la droite se réclamer de la valeur travail alors qu'elle a créé 200 000 chômeurs de plus [depuis 2002]». Proche de François Hollande, Eric Besson revendique le bilan économique des 35 heures, assure que «la gauche a raison de les défendre : en 2000, nous avons créé 500 000 emplois et permis une augmentation de la croissance de 4 %». Signe du retour en grâce de la RTT parmi les catégories populaires, même Arlette Laguiller (LO) a cru bon de sonner hier la «contre-offensive des travailleurs» pour sauver les 35 heures. La gauche, le PS en particulier, espère «être en cohérence avec le mouvement social», assure Cambadélis. François Hollande a même demandé à ses troupes de descendre dans la rue samedi pour défiler avec les organisations syndicales. Des défilés auxquels appellent tous les syndicats (sauf la CGC) qui mesureront le degré de mobilisation des salariés. «Qu'ils votent à droite ou à gauche, les salariés sont très largement satisfaits de leur temps de travail actuel», observe Frédéric Dabi, directeur du département d'opinion public de l'Ifop. L'institut a réalisé une étude, publiée par le Journal du dimanche : «A gauche, 18 % veulent travailler plus ; mais à droite ils ne sont pas beaucoup plus nombreux : 23 %, contre 74 % qui ne le souhaitent pas.» Si l'adhésion des salariés ne se dément pas, le PS ne prend pas trop de risques en assumant l'héritage des lois Aubry.