Attaque Proche-OrientIsraël attaque une prison palestinienneL'opération spectaculaire de Tsahal pour récupérer un leader radical enfermé à Jéricho provoque de violentes réactions à Gaza.Deux énormes engins militaires israéliens, caparaçonnés de plaques de blindage, aplatissent sans états d'âme les abords immédiats de la prison palestinienne de Jéricho, en Cisjordanie «autonome». Leur objectif : Ahmed Saadat, secrétaire général du Front populaire pour la libération de la Palestine (FPLP), détenu dans cette prison de l'Autorité palestinienne depuis 2001 pour avoir ordonné l'assassinat d'un ministre israélien. Rien ne résiste hier à la poussée puissante de ces monstrueux bulldozers. Ni l'enceinte de béton qui clôt la maison d'arrêt, ni les grands eucalyptus au feuillage odorant qui plient comme fétus de paille. Sur ce glacis improvisé, des chars ont pris position, canons tournés vers les cellules. Quelques obus, tirés à bout portant, ont ouvert des brèches béantes dans la façade. Les rafales d'armes automatiques, qui résonnent par intermittence, relèvent plus de l'escarmouche que de la bataille. Par haut-parleur, un officier israélien appelle détenus et geôliers palestiniens à une totale reddition. Les bras levés, des silhouettes inquiètes émergent de la brume, mélange de poussière et de fumée. A distance, les soldats de Tsahal (l'armée israélienne) enjoignent à leurs prisonniers de se dévêtir, avant de les pousser, en caleçons, vers des camions stationnés à l'arrière.Sur le même sujetProche-Orient. A savoirDes Occidentaux enlevésPari risqué pour Ehud OlmertCourt terme«Le choix». En fin de journée, après plusieurs heures de siège, 182 Palestiniens se sont rendus aux assaillants. Mais Ahmed Saadat et ses compagnons n'étaient pas au nombre des vaincus. Au contraire, de sa cellule, le secrétaire général du FPLP a multiplié les déclarations téléphoniques à la presse, jurant qu'il ne capitulerait pas. «Nous avons le choix entre la lutte et la mort», jurait le chef de cette organisation de tendance marxisante. Ce n'est qu'à la nuit tombée que les forces d'élite de l'unité Yamam ont capturé ce vieux militant de la cause nationaliste recherché par Israël pour avoir donné l'ordre d'assassiner, en 2001, Rehavam Zeevi, ministre du Tourisme et leader de la droite extrême. Une exécution spectaculaire, ordonnée en représailles à la liquidation d'Abou Ali Mustapha, son prédécesseur à la tête du FPLP, frappé par une roquette à Ramallah en août 2001.Depuis le début de la seconde Intifada, le sort d'Ahmed Saadat est l'enjeu d'un incroyable bras de fer entre Israël et l'Autorité palestinienne. Rehavam Zeevi était un ami personnel d'Ariel Sharon (ex-Premier ministre israélien), qui avait juré de le venger. Mais, prenant de court les services de sécurité israéliens, l'ex-président palestinien Yasser Arafat avait fait interpeller le secrétaire général du FPLP. Au printemps 2002, au plus fort de l'opération Rempart, alors que l'armée israélienne réoccupait la Cisjordanie et mettait le siège sous les fenêtres du vieux raïs, Yasser Arafat retenait Ahmed Saadat et ses camarades près de lui, dans son palais en ruine, dans ce qu'Israël dénonçait comme une «incarcération protectrice». Ce n'est qu'après l'intervention personnelle du secrétaire d'Etat américain Colin Powell que Yasser Arafat et Ariel Sharon acceptaient un compromis. Les assassins de Rehavam Zeevi et leur commanditaire seraient incarcérés dans la prison de Jéricho, sous garde palestinienne, mais sous contrôle d'observateurs britanniques et sous surveillance américaine.Manifestations. Cet accord a brutalement pris fin hier matin lorsque, vers 9 h 30, les observateurs internationaux ont quitté en convoi le centre de détention de Jéricho. Ni la Grande-Bretagne, ni les Etats-Unis n'ont donné d'explication à leur décision, se contentant de faire savoir qu'ils estimaient que la sécurité de leurs officiers n'était plus suffisamment garantie. Quelques minutes plus tard, Tsahal encerclait la prison, bien déterminée à s'emparer d'Ahmed Saadat et de ses compagnons. L'offensive israélienne a immédiatement provoqué une violente vague de protestations dans tous les territoires occupés. A Jéricho, plusieurs centaines de jeunes ont harcelé les soldats à coups de pierres et de cocktails Molotov. Des manifestations ont réuni des milliers de personnes en Cisjordanie et à Gaza où le British Council, le centre culturel britannique et une école de langue américaine ont été incendiés et plusieurs étrangers ont été pris en otages (lire ci-contre).
