Élection Présidentielle bien encadrée en Tchétchénie :Tchétchénie: le candidat du Kremlin Alan Alkhanov élu président Militaires autour des bureaux de vote, distribution de prébendes... Moscou n'a rien négligé pour Alkhanov. oute la journée, le show s'est répété : le bus de journalistes s'arrête devant un bureau de vote, une dizaine de miliciens armés jusqu'aux dents encerclent le terrain et un flot d'électeurs surgit. «Nous votons Alou Alkhanov», disent-ils, avec pratiquement tous la même explication : «Nous espérons qu'avec lui ça ira mieux.» Dans deux bureaux de vote, à Ourous-Martan et à Goudermes, ce sont deux minibus pleins d'hommes du ministère des Situations d'urgence qui débarquent en même temps que les journalistes pour remplir d'un coup le bureau de vote et répondre, comme un seul homme : «Nous votons Alou Alkhanov.» Dans un autre bureau, à Grozny, le groupe d'hommes attend dehors à l'ombre et se lève d'un bond, à l'arrivée du bus de journalistes, pour aller voter. Salariés. Comme en octobre 2003, pour l'élection d'un premier président prorusse en Tchétchénie, Akhmad Kadyrov, assassiné le 9 mai, les autorités russes ont dépensé beaucoup de moyens pour organiser l'élection de son successeur. «Pour un mois de campagne en faveur d'Alkhanov, je suis payé 3 000 roubles (86 euros), confie un "agitateur" dans l'un des bureaux de vote visités. Ce n'est pas grand-chose, mais ici, il n'y a pas beaucoup de travail. Et puis, pour de vrai, nous espérons qu'avec Alkhanov les choses vont s'arranger. Nous espérons qu'il n'oubliera pas son peuple.» Dans un autre bureau, un assesseur confie que lui touchera 7 000 roubles (200 euros) pour le même travail de préparation de l'élection. «Mon entreprise de construction m'a libéré un mois pour que je fasse la campagne d'Alkhanov, explique-t-il. Nous sommes passés de maison en maison pour inscrire les électeurs, nous avons collé des affiches partout et, maintenant, nous veillons au bon déroulement du vote.» Adoubé. Ancien policier, Alou Alkhanov, 47 ans, est un néophyte en politique, mais il a le soutien de Vladimir Poutine, ce qui en Tchétchénie est aujourd'hui la seule chose qui compte pour gagner une élection. Les six autres candidats, peu connus, ne sont que des figurants : tous ceux qui auraient pu représenter une véritable alternative ont été écartés. Tandis que les assesseurs et les représentants du Kremlin, venus nombreux de Moscou pour préparer ce vote, s'efforcent de montrer la façade d'une élection normale, partout devant les bureaux, les miliciens en armes, les tanks et les soldats à l'affût donnent pourtant plutôt l'image d'un pays sous occupation militaire. Les journalistes, qui n'ont toujours pas le droit de visiter librement la Tchétchénie, n'étaient même pas autorisés, hier, à quitter un tout petit périmètre autour des bureaux de vote, délimité par des hommes armés. Et quand, à Grozny, on réussit enfin à parler à des habitants un peu à l'écart de la surveillance, leurs commentaires sont soudain tout différents. «Regardez les tanks et les véhicules blindés partout : vous pouvez imaginer des élections libres dans ces conditions ?» Sharman, 39 ans, s'emporte à voix basse pour ne pas trop attirer l'attention de nos gardes : «Moi, je ne vote pas. De toute façon, l'élection est déjà décidée. Alkhanov sera élu, on le sait d'avance.» Au loin, on entend des rafales de tirs. Un «électeur», qui avait semble-t-il attiré l'attention dans un bureau de vote de Grozny par son comportement suspect, est mort hier matin en faisant sauter une charge explosive qu'il portait sur lui. Pour le reste, «tout est calme», assuraient les autorités russes. Ralliements. Dans un autre village, les paramilitaires venus voter en groupe, «tous pour Alkhanov», expliquent pourquoi ils se sont ralliés au pouvoir de Moscou, après avoir combattu du côté des rebelles pour une Tchétchénie indépendante. «C'est Moscou qui a l'argent, c'est Moscou qui nous donne les uniformes», avoue Islam, 26 ans, qui confie gagner près de 8 000 roubles par mois (230 euros) dans les rangs du ministère pour les Situations d'urgence, un très bon salaire en Tchétchénie. Les autorités russes doivent annoncer aujourd'hui les «résultats» de cette «élection», que l'on peut déjà prédire : une participation élevée, même si beaucoup de bureaux de vote avaient l'air vides jusqu'à l'arrivée des journalistes, et sans doute une élection magistrale d'Alou Alkhanov, le candidat du Kremlin. Vu les efforts que demande cette élection, personne ici n'a envie d'un second tour.