Mort de Président

Mort Président de l'Inde de 1997 à 2002, Kocheril Raman Narayanan est mort le 9 novembre, dans un hôpital militaire de Delhi, des suites d'une pneumonie. Il était âgé de 85 ans. Kocheril Raman Narayanan restera dans l'histoire de l'Inde indépendante comme le premier "intouchable" à accéder à la présidence de la République. Dans un pays où le système des castes garde toute son importance, où l'"intouchabilité" reste une tare quasi indélébile - plus de cinquante ans après son abolition constitutionnelle -, le symbole était fort. Président sans réel pouvoir politique, comme le veut la Constitution indienne, cet homme souriant, attentionné et modeste laissera le souvenir d'un dirigeant respectueux des règles mais déterminé, comme il le disait lui-même, à être "la conscience de l'Inde". Ses discours étaient l'occasion de rappeler des vérités pas toujours bonnes à dire mais qui, à défaut de toujours plaire, frappaient juste. "Après cinquante ans de vie dans notre République, la justice sociale, économique et politique demeure un rêve inachevé pour des millions de nos concitoyens", déclarait-il le jour du cinquantième anniversaire de l'adoption de la Constitution. "Attention à la fureur du peuple patient et depuis longtemps souffrant", ajoutait-il. Né le 27 octobre 1920 dans un petit village de ce qui était alors l'Etat princier de Travancore (aujourd'hui le Kerala) sur la côte ouest de l'Inde, K. R. Narayanan était le quatrième d'une famille de sept enfants. Son père pratiquait la médecine traditionnelle Ayurveda et avait du mal à nourrir sa famille. Parmi ses plus sombres souvenirs d'enfance, l'ancien président citait "le dénuement d'une famille pauvre, marquée par la maladie". Deux de ses frères sont morts de la tuberculose, maladie qui tue encore en Inde un homme par minute. K. R. Narayanan avait trouvé son salut dans l'éducation, qui le conduisit jusqu'à la London School of Economics, dont il était sorti diplômé de sciences politiques. Son professeur anglais écrit alors une lettre de recommandation au premier chef du gouvernement de l'Inde indépendante, Jawaharlal Nehru. Le sésame permet à K. R. Narayanan d'être engagé au ministère des affaires étrangères. Au fil des ans, il obtiendra les prestigieuses ambassades de Pékin et de Washington. C'est au cours de son premier poste en Birmanie qu'il rencontrera celle qui devenait devenir sa femme, une universitaire birmane qui a traduit pour l'Inde la littérature de son pays. UN HÉRITIER DE GANDHI Le futur président n'était entré en politique sous les couleurs du Parti du Congrès qu'en 1984, après avoir pris sa retraite de diplomate. Il était devenu député du Kerala, et sera réélu à trois reprises avant d'accéder en 1992 au poste de vice-président, puis en 1997 de président. Sa cohabitation avec les nationalistes hindous du Parti du peuple indien (BJP), au pouvoir de 1998 à 2004, n'aura pas toujours été facile. Sous sa présidence ont eu lieu de très sanglantes émeutes intercommunautaires dans l'Etat du Gujarat dans lesquelles deux milliers de personnes - pour la plupart de confession musulmane - ont été massacrées en 2002. En mars 2005 - il avait quitté la présidence depuis trois ans -, K.R. Narayanan avait ouvertement critiqué le BJP au pouvoir pour la faiblesse de son action contre les agresseurs. Il avait révélé qu'il aurait souhaité une intervention de l'armée au Gujarat. Dans une Inde lancée dans la course à la modernité, K. R. Narayanan se voulait un humaniste, héritier volontariste du message gandhien de fraternité.