Champion d'Europe Premier sacre européen pour l'équipe de France Assis dans une tribune du Hallenstadion de Zurich, au milieu de 11 000 spectateurs sous le charme, Jackson Richardson, idole du handball français, désormais retraité de l'équipe nationale, s'est soudain levé pour applaudir ses compatriotes, avant même que ne retentisse le coup de sifflet final. Sur le parquet, ses héritiers ont réussi un véritable exploit en devenant, pour la première fois, champions d'Europe. Dansant sur un vieux tube du groupe suédois Abba, les joueurs et techniciens français ont savouré à leur façon un moment rare. Impressionnants vainqueurs des Espagnols (31-23), champions du monde, après avoir la veille surclassé les Croates (29-23), vice-champions du monde, les joueurs de Claude Onesta ont mis un terme à une véritable malédiction européenne. En six éditions de l'Euro, compétition encore plus relevée qu'un Mondial, jamais les Bleus n'étaient montés sur le podium. "Ils ont été cohérents dans leur jeu du début jusqu'à la fin de cette compétition, c'est le signe d'une grande équipe", a commenté Jackson Richardson, résumant en quelques mots ce que tous les observateurs ont admis : cette équipe de France, qui, fidèle à la tradition, a construit ce succès sur une base défensive incroyablement efficace, a été de loin la plus complète des sélections présentes en Suisse. Il y a un an, à l'issue du Mondial tunisien, au cours duquel les Français avaient décroché la médaille de bronze, les départs à la retraite internationale de trois figures majeures (Jackson Richardson, Grégory Anquetil, Guéric Kervadec) pouvaient laisser craindre un manque de maturité. Les performances réalisées en Suisse ont prouvé le contraire. Sur les huit rencontres disputées, l'équipe de France n'en a raté qu'une seule, sa deuxième, face à l'Espagne (26-29). "Ce jour-là, les Espagnols nous ont mis un bon coup de pied au c... ! Mais ce coup de pied nous a donné de l'élan pour la suite...", affirmait en souriant Claude Onesta, quelques minutes après le sacre. En poste depuis cinq ans, le sélectionneur toulousain à la voix rocailleuse et au franc-parler bienvenu a su faire fructifier le lourd héritage de son prédécesseur, Daniel Costantini. Avec un savant mélange de joueurs d'expérience et de jeunes talentueux, Claude Onesta gagne avec ses idées : "Je fais confiance à l'intelligence des hommes !", résume-t-il joliment. A l'arrivée, cela donne une équipe très agressive en défense, perturbante pour le jeu adverse. Avec, en prime, la présence dans les buts du meilleur gardien de la planète handball, l'Alsacien Thierry Omeyer, auteur d'un Euro époustouflant. L'équipe de France a beau multiplier les performances depuis une quinzaine d'années, son impact médiatique reste pourtant limité. Le fait qu'aucune chaîne de télévision française non cryptée n'ai retransmis la finale de Zurich est symptomatique de cet état de fait. Conscient du danger, Claude Onesta a, en novembre, tiré la sonnette d'alarme et interpellé les autorités fédérales en leur demandant de réfléchir à de nouvelles méthodes pour permettre à l'équipe de France de bénéficier de moyens plus importants. Du côté des autorités, on dédramatise la situation, à l'image de Philippe Bana, le directeur technique national : "En quatorze ans, les partenariats de sponsoring sont passés de zéro à 2 millions d'euros. Les budgets consacrés à la communication augmentent et le travail de fond porte ses fruits. En huit ans, le handball français a gagné 150 000 licenciés pour atteindre 370 000 joueurs aujourd'hui." Il ne nie pas pour autant les limites du développement : "L'Etat reste le premier sponsor de la Fédération et l'économie privée ne contribue qu'à hauteur de 20 % au budget, ce qui est insuffisant... Et maintenant que la plupart des joueurs de l'équipe de France évoluent dans des clubs étrangers, où ils touchent des salaires très largement supérieurs à ceux proposés dans les clubs français, il va falloir trouver des solutions pour que leur présence en sélection ne se heurte pas au veto de leurs employeurs..." En attendant de régler ces problèmes, l'heure est à la fête, à l'union sacrée autour de ces Bleus aux mains d'or. Mais dans quelques jours, le perfectionniste qu'est Claude Onesta se sera déjà remis au travail...