Annonce Pour ses 20 ans, le film de Brian de Palma ressort en salles mercredi. Livre, DVD et CD célèbrent également l'anniversaire d'une œuvre devenue culte. "The world is yours" ("Le monde t'appartient"). Tony Montana, le voyou cubain devenu baron de la drogue à Miami, a fait de ce slogan publicitaire son credo. Sa raison de vivre. Pour atteindre les sommets de la réussite, Scarface – l'homme à la joue balafrée – était prêt à tout. Son ascension sociale au pays de l'Oncle Sam, il l'a construite dans la sueur et le sang. Avec une tenacité trempée dans le même acier que celui de son revolver. Le succès, tardif mais durable, du film de Brian de Palma, dont on célèbre cette année le 20e anniversaire, tient sans aucun doute à la destinée de son anti-héros, à la fois gangster implacable et immigré parti de rien mais déterminé à se construire une place au soleil. Qu'importe, finalement, qu'il périsse à l'apogée de son empire, victime de ses propres excès. Tony Montana, superbement interprété par Al Pacino, a réalisé son rêve américain. D'où la fascination qu'exerce le film sur les déracinés et les enfants du ghetto, notamment les rappeurs (1).Culte et clinquantSi l'histoire colle assez fidèlement au scénario du Scarface original, réalisé en 1931 par Howard Hawks (2), la version de 1984 tire son originalité de cette transposition dans l'Amérique reaganienne du capitalisme triomphant et du culte de l'argent. De Palma en profite pour continuer son entreprise de destruction du mythe américain. "Dans Scarface, le pays apparaît comme une sorte de paradis clinquant et artificiel. De la poudre aux yeux", écrit Luc Lagier dans Les mille yeux de Brian de Palma (3). Un monde de la frime qui se retrouve dans l'esthétique du film. Le cinéaste "a fait un film noir en plein jour, refusant de jouer sur les codes en vigueur, comme le clair-obscur" (4). Les couleurs sont vives, saturées, dans les décors comme sur les costumes. La crudité de la violence – d'ailleurs plus souvent suggérée que montrée - et des dialogues vaudra à de Palma et à son scénariste Oliver Stone quelques ennuis avec la censure, le film échappant de justesse au label "X".A sa sortie, Scarface crée la polémique mais n'attire pas les foules. Ses diffusions à la télévision américaine sont alors expurgées. Mais le film devient culte. Pour ses 20 ans, il bénéficie d'une nouvelle sortie en salles et d'une superbe édition en DVD (Universal). C'est le moment ou jamais d'enfiler une chemise hawaïenne ouverte sur une grosse chaîne en or, chico !(1) Le label Def Jam (Barclay) sort une bonne compilation de hip-hop inspirée par l'univers du film : Scarface, music inspired by the movie. Au micro, que du gros calibre : Nas, Mobb Deep, Jay-Z ou encore Scarface le bien nommé. (2) Le Scarface d'Hawks se déroulait à l'époque de la prohibition et le personnage principal s'appelait Tony Camonte, un malfrat inspiré d'Al Capone.(3) Luc Lagier : Les mille yeux de Brian de Palma, éd. Dark Star, 255 pages. Une brillante analyse de l'œuvre du cinéaste, richement illustrée, à travers une quinzaine de ses films les plus emblématiques.(4) in Scarface, édition collector, éd. Dark Star, 83 pages. Un album qui présente de nombreuses photos, souvent inédites, et qui décrypte l'univers du film à travers ses personnages et leurs interprètes, la mise en scène de de Palma et la censure dont il fut victime, sans oublier l'influence de Scarface dans le hip-hop et "dans la rue". Des thèmes que l'on retrouve également dans les bonus du DVD collector édité par Universal.
