Annonce Pour éviter les foudres de l'ONU, la Syrie crée une commission sur l'assassinat de Rafic Hariri Après le temps des plaidoiries purement politiques destinées à contester la validité du rapport de la commission d'enquête internationale sur l'assassinat de l'ancien premier ministre libanais Rafic Hariri, est venu le temps de l'action en Syrie. Une dizaine de jours après la publication dudit rapport, le président Bachar Al-Assad a promulgué, samedi 29 octobre, un décret annonçant la formation d'une commission judiciaire spéciale chargée de coopérer avec les autorités libanaises et la commission internationale. Cette décision a été prise, à l'avant-veille de la réunion du Conseil de sécurité des Nations unies, au niveau des ministres, destinée à voter un projet de résolution franco-américain soutenu par la Grande-Bretagne sommant Damas de coopérer à l'enquête. La commission syrienne, dirigée par Ghada Mrad, la première femme procureur de la république, et par le procureur général militaire, Georges Laham, pourra s'adjoindre tout juge militaire ou civil qu'elle souhaitera. Elle est appelée, en vertu du décret, à coopérer avec les autorités libanaises et la commission internationale et sera en mesure d'interroger tout citoyen syrien. Les autorités syriennes insistent sur le fait que Mme Mrad "n'appartient à aucun parti politique et est totalement indépendante" . Elles présentent la commission comme étant la réponse à une proposition verbale du chef de la commission internationale d'enquête, le juge allemand Detlev Mehlis. Ce dernier avait verbalement suggéré que Damas mène sa propre enquête pour contribuer au bon déroulement des investigations. Il s'était plaint dans son rapport de l'insuffisance de la coopération syrienne, tout en faisant état d'indices convergents quant à une implication de hauts responsables de sécurité syriens et libanais dans l'attentat qui, le 14 février, a coûté la vie à Rafic Hariri. Interrogé dimanche par la télévision satellitaire Al-Arabiya, le ministre de l'information, Mahdi Dakhlallah, a justifié le retard pris pour constituer cette commission par le fait que la Syrie "a été surprise par la politisation excessive du rapport du juge Mehlis" , dont il a contesté "le professionnalisme" . A son avis, la décision présidentielle devrait empêcher l'adoption d'une résolution par le Conseil de sécurité "si les intentions -de ses membres- sont saines" . Riad Turk, l'un des plus célèbres et des plus anciens opposants syriens, membre du Parti du peuple (ancien Parti communiste-bureau politique) a jugé le décret présidentiel totalement inapproprié. "Le lieu du crime est Beyrouth. La communauté internationale a formé une commission d'enquête sur cette affaire. Ce qui est requis de la Syrie, c'est de coopérer avec cette commission" , a déclaré M. Turk à la télévision satellitaire Al-Arabiya. Critiquant les graves erreurs du régime, selon lui, en politique intérieure et étrangère, il a réclamé la démission du président Al-Assad et la formation d'un gouvernement transitoire ainsi que l'élection d'une assemblée constituante pour élaborer une nouvelle Constitution. Parallèlement, Damas a lancé une campagne diplomatique en direction des pays arabes du Golfe. Au lendemain d'une visite éclair en Syrie, vendredi, du président égyptien, Hosni Moubarak, Walid Al-Mouallem, vice-ministre syrien des affaires étrangères, s'est rendu samedi en Arabie saoudite, où il a rencontré le roi Abdallah Ben Abdel Aziz, qui a reçu le lendemain le premier ministre libanais, Fouad Siniora. Dimanche, au Qatar, M. Al-Mouallem a qualifié de "dangereux" le projet de résolution qui devrait être adopté lundi par le Conseil de sécurité de l'ONU et qui a été élaboré, selon lui, lors de réunions à Washington, Paris et Londres avant même la publication du rapport de M. Mehlis. Il s'est dit convaincu que "certains milieux" sont déterminés à porter atteinte à la Syrie quoi qu'il advienne. Il en veut pour preuve l'adoption, "bien avant l'assassinat de Rafic Hariri" , par les Etats-Unis du "Syrian Accountability and Lebanese Sovereignty Restoration Act" de mai 2003, en vertu duquel des sanctions économiques américaines partielles mais extensibles ont déjà été imposées à la Syrie. Le ministre des affaires étrangères, Walid Al-Chareh, s'est rendu à New York, où il doit assister à la réunion du Conseil de sécurité. D'après l'agence officielle syrienne Sana, il doit avoir des entretiens avec le secrétaire général de l'ONU, Kofi Annan, et d'autres ministres présents à New York.