Mort de Pontus Hulten
Mort Pontus Hulten, historien d'art et philosophe de formationIl incarnait le Centre Pompidou, ses premiers pas et ses grandes expositions pluridisciplinaires qui ont marqué au-delà de leur temps - Paris/New York, Paris/Berlin, Paris/Moscou : Pontus Hulten est mort dans la nuit du 25 au 26 octobre, à l'âge de 82 ans.Né le 21 juin 1924 en Suède, Karl Gunnar Pontus Vougt Hulten était historien d'art et philosophe de formation et avait fait sa thèse sur Vermeer et Spinoza. Il avait commencé sa carrière de conservateur à l'Académie des beaux-arts au National Museum de Stockholm, avant de prendre, en 1959, la direction du nouveau Moderna Museet, également dans la capitale suédoise, un musée tourné vers l'art contemporain. Au début des années 1950, pour être au plus près de la création d'alors, il avait fait le chemin de Suède à Paris à moto ! Il s'essaya alors au cinéma expérimental, notamment avec l'artiste américain Robert Breer.En 1955, avec Vasarely et la galeriste Denise René, il signait le catalogue de l'exposition "Le Mouvement", la manifestation fondatrice de l'art cinétique. Il rencontre alors le sculpteur suisse Jean Tinguely et sa compagne, Niki de Saint Phalle. C'est lui qui batailla pour que fût installée leur fontaine en hommage à Stravinsky aux abords du Centre Pompidou, et qui contribua à l'érection du Cyclope, à Milly-la-Forêt.Dès 1966, il avait permis l'installation à Stockholm de Hon ("Elle"), une "Nana" géante de Saint Phalle, couchée sur le dos, jambes écartées, vagin en guise de porte par où le public était invité à pénétrer, pour découvrir des oeuvres de Tinguely, mais aussi un bar et une salle de projection permettant de voir le premier film de Greta Garbo.A Stockholm, il initia le public suédois aux abstraits américains, au pop art ou à l'avant-garde russe, toute en imaginant des expositions où le public choisissait lui-même les oeuvre qu'il voulait voir ("Le musée de vos désirs") ou une autre, destinée aux aveugles, qui se visitait dans le noir et dont le catalogue était en braille.Mais le grand oeuvre de Pontus Hulten fut le Centre Georges-Pompidou. Le projet était piloté au début des années 1970 par Robert Bordaz, qui rassembla une équipe de jeunes gens dotés de fortes personnalités, Daniel Abadie, François Barré, Dominique Bozo, Françoise Cachin, Jean-François de Canchy, Jean-Hubert Martin, Claude Mollard, Alfred Pacquement et Germain Viatte, qu'il confia à Pontus Hulten.HONNÊTE HOMMELa dream team fit des miracles. Pontus Hulten eut aussi l'idée d'ouvrir les portes jusqu'à 22 heures. L'idée, saugrenue à l'époque, bouleversa le rapport du public au musée. Pontus Hulten fut aux commandes du Musée national d'art moderne durant huit ans, de 1973 à 1981, mais sa marque y demeure. Il dirigea ensuite un temps le Museum of Contemporary Art de Los Angeles, puis le Palazzo Grassi, à Venise (1985), la Kunst- und Ausstellungshalle der BDR à Bonn (1990) et le Museum Jean-Tinguely à Bâle (1994).En France, il créa un malheureusement éphémère (1988-1995) Institut des hautes études en arts plastiques, soutenu par la Ville de Paris, qu'il voulait voir devenir "un lieu comparable aux cafés cubistes, au Bauhaus, même si le contexte en est très différent", et qui réunissait des artistes professeurs, une vingtaine d'étudiants et des visiteurs - poètes, conservateurs, metteurs en scène, artistes - invités pour deux mois.Ce printemps 2006, éclipsée par les fastes de l'inauguration des collections de François Pinault au Palazzo Grassi, une exposition lui était consacrée à Venise : elle montrait sa collection personnelle, offerte en 2005 au Moderna Museet de Stockholm. Des souvenirs, autant que des oeuvres, de ses amis artistes, de Tinguely et Nikki de Saint Phalle jusqu'à Rebecca Horn, en passant par Arman, Kienholz ou Oldenburg.De petites choses, à la valeur plus sentimentale que commerciale. La collection d'un honnête homme.