Annonce Pollution. 150 000 euros requis contre l'usine ardennaise de recyclage de batteries Métal Blanc.«Un cocktail de plomb et d'arsenic» Métal Blanc a délibérément intoxiqué au plomb ses salariés et les habitants de Bourg-Fidèle. «L'entreprise savait qu'en polluant elle faisait courir un risque certain à cette population», a conclu hier soir le substitut du procureur. Malgré cela, le parquet n'a requis que 150 000 euros d'amende et la surveillance des émanations et des taux de plomb pendant cinq ans. Après sept ans de procédure, le responsable de cette usine de recyclage de batteries automobiles comparaissait pour pollution et mise en danger d'autrui devant le tribunal correctionnel de Charleville-Mézières. Dix-sept parties civiles représentant 41 victimes, dont les familles d'enfants contaminés, la Fédération de pêche, des éleveurs et des salariés ont porté plainte depuis 1997. Avant AZF et Metaleurop, le combat de ce petit village des Ardennes a été emblématique de la prise de conscience du laisser-aller de certains industriels. De la complicité passive des services administratifs. Et du refus pour les populations environnantes de se laisser polluer.«Catastrophe sanitaire». Les débats ont permis de rejouer chaque étape de cette affaire. «Ce qui s'est passé à Bourg-Fidèle c'est une catastrophe sanitaire, et non pas un dysfonctionnement ponctuel dont les effets sont sous contrôle et les conséquences à apprécier sans s'inquiéter, a plaidé Me Teissonnière, avocat des familles. Le cocktail de plomb, de cadmium et d'arsenic, tout le monde l'a respiré, avec pour certains des doses pathogènes.» Les dépistages réalisés par la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales (Ddass) en 1998 montrent que le quart des enfants du village est atteint de saturnisme. Hier matin, des responsables de la Direction de l'industrie et de l'environnement (Drire) et des services vétérinaires ont tenté de justifier vingt ans de laxisme, tandis que les cheminées crachaient des centaines de kilos de plomb. «C'est difficile à prouver. On a aussi retrouvé des tuyaux, des fenêtres avec de la peinture au plomb et un puits pollué», explique une experte de la Ddass qui évoque l'impact possible de «jouets en plomb». A la barre, un inspecteur des installations classées rappelle les prescriptions restées lettre morte par l'industriel. Qui, depuis 2000, se serait racheté une conduite : «Les arrêtés d'émission de poussière dans l'air sont drastiques, 10 fois plus stricts que les prescriptions nationales et ils sont respectés», explique-t-il. D'ailleurs, l'affaire Métal Blanc a permis de revoir la réglementation: ses installations font désormais l'objet d'une visite annuelle.Visage anémié. «Aujourd'hui Métal Blanc est donc quasiment en conformité, martèle le président du tribunal. En sept-huit ans, la prise de conscience de ces problèmes a évolué, c'est toute la difficulté pour ce tribunal de juger des faits.» «Le saturnisme est inscrit au tableau des maladies professionnelles depuis 1919 !», riposte Me Teissonnière. Les plaidoiries évoquent les 37 km de ruisseaux dont les «sédiments pollués par un rejet pirate» interdisent toute pêche pour cinquante ans. Ces deux salariés «déclarés inaptes au travail» pour saturnisme puis licenciés, qui ont continué à s'intoxiquer dans leur maison du village. Les logis pollués «vendus à vil prix». Le visage anémié de Sullyvan, né en 1996 avec 250 microgrammes de plomb dans le sang, restera comme un symbole. «Il est vraisemblable que sa mère a été contaminée pendant sa grossesse. Ils ont déménagé et son taux a baissé, plaide Me Sylvie Topalof. Après, la justice peut dire qu'il va très bien. Mais n'en subit-il pas les séquelles?» Le plomb peut avoir disparu dans le sang et rester des années dans les os. A 9 ans, Sullyvan ne sait pas lire, il ne connaît pas son alphabet parce qu'il oublie des lettres. «On ne peut laisser un inspecteur de la Drire dire que c'est parce qu'il aurait sucé un soldat en plomb, soyons sérieux.» Dans sa plaidoirie, Me Blocquaux, l'avocat de la défense, reconnaît que des travaux de mise en conformité n'ont pas été faits. Mais récuse toute mise en danger d'autrui. Et puis, «il faut bien faire quelque chose des batteries de voiture». Il a demandé la relaxe de son client. Les avocats des parties civiles ont demandé des dommages et intérêts évalués à 2 millions d'euros. Le jugement a été mis en délibéré au 25 avril.
