Mort de Pierre Torreilles

Mort Pierre Torreilles, poète Le poète Pierre Torreilles, fondateur de la librairie Sauramps à Montpellier, est mort dans cette ville mardi 22 février. Il était âgé de 84 ans. Né à Aimargues (Gard) le 21 mai 1921, il avait passé toute son enfance dans l'arrière-pays nîmois. Après des études de théologie à Aix-en-Provence de 1941 à 1943, il devient agent de liaison dans les maquis du Vercors et de la Haute-Loire. Au début des années 1950, tandis qu'il continue ses activités de libraire (et de syndicaliste dans cette branche) au sein de l'entreprise reprise par son beau-père, M. Sauramps, il se lie d'amitié avec l'éditeur Guy Lévis Mano, chez qui il publie le premier d'une longue liste de recueils de poésie, Solve et Coagula (1953). A l'éditeur (et au poète) GLM, il consacra, avec Andrée Chedid, un volume de la collection "Poètes d'aujourd'hui" chez Seghers en 1974. En 1960, il s'associe avec Pierre Descomps, directeur commercial du Club du meilleur livre, pour ouvrir une vaste librairie à Montpellier, qui déménagera à plusieurs reprises pour s'installer finalement, sur plus de 1 000 m2 à la fin des années 1970, dans le quartier du Triangle. A présent dirigée par Jean-Marie Sevestre - Torreilles s'était retiré au début des années 1990 -, c'est l'une des premières librairies françaises. Ami de Ferdinand Alquié, de René Char, d'André du Bouchet et d'Yves Bonnefoy, Pierre Torreilles considérait le poème comme "le chant profond du sens surpris dans l'émotion". Sa parole poétique, à la fois ascétique et obstinée, est abrupte, escarpée comme un chemin de montagne, animée par un souffle retenu, une volonté de nommer la "parole manquante" de notre présence au monde. "L'épiphanie du visible met au jour l'énigme du voir", affirmait-il. Sans se confondre avec la quête philosophique - il prenait soin de distinguer les deux ordres d'expression -, son art poétique ne se comprend qu'en fonction du souci et de l'interrogation qui sous-tend cette quête. "C'est à partir de ce qui est perceptible, de ce qui apparaît dans le poème et de ce qui le fait apparaître que la philosophie est interrogée, et non l'inverse", soulignait-il. Comme Du Bouchet, Pierre Torreilles récusait une poésie de l'intimité et du sentiment personnel : "Je n'ai rien à dire de moi", rappelait-il dans Denudare (Gallimard, 1973, repris vingt ans plus tard dans la collection "Poésie"). Toujours chez Gallimard, citons : La Voix désabritée (1981), Margelles du silence (1986). En 1977, dans Pratique de la poésie (Fata Morgana, 1977), il définissait sa conception et son haut degré d'exigence. En 1990, son recueil Parages du jour (Grasset) obtenait le prix Max-Jacob.