Mort de Pierre Pierrard Pierre Pierrard

Mort Pierre Pierrard Pierre Pierrard, historien du monde ouvrier et du catholicisme, ancien président de l'Amitié judéo-chrétienne de France, est mort des suites d'un infarctus, jeudi 8 décembre, à Cachan (Val-de-Marne). Il était âgé de 85 ans. Pierre Pierrard était d'abord un homme du Nord, travailleur, sincère et loyal. Un homme de conviction qui aura consacré sa vie à l'histoire de la misère ouvrière dans sa région natale, à la défense d'un catholicisme de progrès, à la lutte contre l'antisémitisme et pour la réconciliation avec les juifs, dont ce catholique militant fut, en France, l'un des pionniers et artisans les plus constants. Né le 26 février 1920 à Roubaix, dans un milieu populaire dont il resta toujours proche, Pierre Pierrard se fait connaître, en 1965, par sa thèse de doctorat consacrée à La Vie ouvrière à Lille sous le Second Empire. Au fil des années, il s'impose comme l'un des grands historiens du Nord (Histoire du Nord en 1978, Le Nord d'hier et d'aujourd'hui en 1981, etc.) et des débuts de l'industrialisation. Mais Pierre Pierrard est plus qu'un auteur régional. Sa sympathie pour le monde ouvrier, puisée dans Germinal de Zola, ses convictions de foi nourries par un autre écrivain, Maxence Van der Meersch, du Nord comme lui, ou par Georges Bernanos, l'aident à prendre conscience du fossé qui se creuse, malgré l'enseignement social des papes (Rerum Novarum de Léon XIII en 1891), entre l'Eglise et la classe ouvrière. Ce divorce le hante. En 1984, Pierrard écrit une somme, L'Eglise et les ouvriers en France (Hachette), dont son collègue historien René Rémond souligne l'importance (Le Monde du 9 juin 1984) : "N'est-ce pas un grand fait d'histoire que la rupture entre la religion traditionnelle et la nouvelle classe ouvrière, qui la rend disponible pour une idéologie appelée à devenir une religion de remplacement ?" Les rendez-vous manqués de son Eglise avec la classe ouvrière, avec les théologiens de progrès, avec les prêtres-ouvriers, avec les intellectuels et un peuple juif ignoré dans son existence concrète font de Pierre Pierrard un homme anxieux, amer, mais plein d'espérance. Il suit avec passion les débats du concile Vatican II (1962-1965), appelle de ses voeux les réformes dans l'Eglise, s'inquiète dès que Rome ou la hiérarchie française s'écartent de cet esprit de sympathie pour le monde qu'avait suscité le vieux pape Jean XXIII. Catholique critique, mais fidèle, Pierre Pierrard rejoint les combats pour une place plus grande des militants laïcs dans l'Eglise, proteste contre les tours de vis imposés aux théologiens, rejoint Mgr Jacques Gaillot dans son combat pour un catholicisme plus proche des pauvres et des marginaux. C'est dans l'amitié avec les juifs qu'il donne le meilleur de lui-même. Professeur à l'Institut catholique de Paris, responsable de la section historique des éditions Larousse, Pierre Pierrard s'intéresse à la littérature antisémite d'origine catholique au tournant des dix-neuvième et vingtième siècles. Il est l'ami du grand rabbin de France Jacob Kaplan (1895-1994), il soutient les efforts de l'épiscopat pour se rapprocher de la communauté juive. De 1985 à 1999, Pierre Pierrard est président de l'Amitié judéo-chrétienne de France (AJCF), et il accueille avec soulagement les efforts de "repentance" de l'épiscopat à Drancy (1997) et de Jean Paul II à Rome et à Jérusalem. Ses deux derniers ouvrages — Un siècle de l'Eglise de France (Desclée de Brouwer, 2000), Les Pauvres et leur histoire (Bayard, 2002) — récapitulent une vie d'homme engagé, à qui l'estime n'a heureusement jamais manqué.