Mort de Pierre Huguenard

Mort Pierre Huguenard, professeur de médecine Professeur de médecine et ancien chef du service de réanimation de l'hôpital Henri-Mondor de Créteil, Pierre Huguenard est mort samedi 4 mars à l'âge de 81 ans. Avec cette disparition, la communauté médicale française perd l'un de ceux qui, au lendemain de la seconde guerre mondiale, avaient bâti les fondements de l'anesthésie-réanimation et qui prolongera son travail en développant avec succès le concept des services d'aide médicale urgente (SAMU). Elle perd aussi, avec cet honnête homme, l'une de ses personnalités parmi les plus fortes et un caractère bouillonnant, tandis que ses élèves se souviennent d'un médecin remarquable et d'un enseignant exceptionnel. Né le 2 novembre 1924 à Belfort, Pierre Huguenard fait la guerre comme infirmier dans les Forces françaises libres (FFL), où il croise plusieurs praticiens militaires qui avaient appris cette discipline naissante qu'était alors l'anesthésie auprès de confrères américains ou britanniques. C'est là aussi qu'il fait la connaissance d'Henri Laborit, avec lequel il travaillera quelques années plus tard et avec qui, en collaboration avec Pierre Deniker et Jean Delay, il participera à la découverte en 1952 des propriétés de la chlorpromazine, premier neuroleptique. Pierre Huguenard soutient sa thèse de docteur en médecine à Paris en 1948, année où il reçoit le diplôme d'anesthésiste-réanimateur, spécialité dont il assurera longtemps l'enseignement. Il participe alors, avec Guy Vouc'h et Jean Lassner notamment, au développement d'une spécialité qui ne comptait que peu de pratiquants. Sa carrière hospitalière est également entièrement consacrée à l'anesthésiologie. Assistant des Hôpitaux de Paris en 1953, puis médecin adjoint en 1953, il est nommé spécialiste des Hôpitaux en 1965 et chef de service en 1967. Au début des années 1970, Pierre Huguenard est l'un des rares, au sein de sa discipline, qui parvienne à forger et à assurer le développement, dans le département du Val-de-Marne où il exerce, du concept révolutionnaire de SAMU. C'est ainsi la naissance en 1974 de ce qui deviendra rapidement le célèbre SAMU 94, qui voit les médecins sortir de leur enceinte hospitalière pour aller en urgence prodiguer leurs soins à ceux dont l'état de santé le réclame. Ce système n'était pas sans rappeler celui développé par le chirurgien français Dominique-Jean Larrey, qui pendant la grande épopée napoléonienne développa à partir de la campagne d'Italie un système d'"ambulances volantes" permettant aux chirurgiens d'opérer au plus vite les blessés sur le champ même de la bataille. "MÉDECINE DE L'AVANT" Ce concept fut au départ quelque peu méprisé par les praticiens de l'anesthésie-réanimation, qui voyaient là une forme de secourisme amélioré quand ils ne se gaussaient pas des "cow-boys de l'urgence". Mais, trente ans plus tard, les SAMU, invention française, se sont imposés à l'échelon national et international et fournissent des bénéfices sanitaires indiscutables. Et c'est encore le concept d'une "médecine de l'avant" que l'on retrouve dans l'émergence et le développement de la médecine de catastrophe à laquelle Pierre Huguenard s'intéressa passionnément. Egalement lointaine héritière du savoir-faire militaire napoléonien, la médecine de catastrophe est née en octobre 1980 avec le tremblement de terre d'El-Asnam, en Algérie, où elle est expérimentée par une équipe de sauveteurs français. Pierre Huguenard, vice-président puis président de la société internationale de cette jeune discipline, aide à son introduction dans les facultés de médecine. Soutenue par une même logique sanitaire au service des personnes en grand danger sanitaire, l'oeuvre de Pierre Huguenard ne fut nullement étrangère au développement d'une autre spécificité française : celle que commencèrent à défendre au lendemain de 1968 les "French doctors" du Secours médical français, fondé par les docteurs Xavier Emmanuelli et Bernard Kouchner, une association qui allait bientôt ne plus être connue que sous le nom de Médecins sans frontières, dont l'action lui valut de recevoir le prix Nobel de la paix en 1999. Une distinction à laquelle Pierre Huguenard n'était pas étranger.