Mort de Pierre Baudry
Mort Pierre Baudry, cinéaste philosophe Réalisateur, critique, théoricien du film documentaire, Pierre Baudry, né le 28 janvier 1948 à Reims, est mort, mardi 15 février, à son domicile parisien. A la façon dont Gilles Deleuze définit le "philosophe artiste", on pourrait dire de Pierre Baudry qu'il était un cinéaste philosophe. Il s'installe à Paris en 1966 au terme de sa khâgne (classe préparatoire à l'Ecole normale supérieure). Après sa maîtrise en philosophie, consacrée à saint Augustin, il s'engage dans le cinéma comme auteur et formateur. L'année suivante, il entre au comité de rédaction des Cahiers du cinéma dirigés par Jean-Louis Comolli. Comité qu'il quitte en 1970, non sans tristesse, dans les tourmentes idéologiques du temps. Pierre Baudry prenait tout à cœur. Esprit curieux et rare, il écrit, dessine, sculpte, filme, se déguise. Son goût le portait vers des auteurs, des objets, dont on avait l'impression que personne ne les avait vus avant lui. Ses films en super-8 (Le Piège diabolique, ou encore Les Deux Cervelles, réalisé avec Michaela Watteaux) sont marqués par un sens décalé de la culture et de la drôlerie. En 1971, Pierre Baudry réalise un moyen métrage présenté à Cannes l'année suivante : La Loi du cœur (titre emprunté au philosophe Hegel). Par choix et parti pris, il a sélectionné des comédiens non professionnels : André Topia, Odile Marcel et Marianne Comolli. L'essentiel du tournage se situe dans l'appartement de son frère, François Baudry (1943-1998), psychanalyste et philosophe (Eclats de l'objet, éd. Campagne première, 2002). Pendant les années 1970, Pierre Baudry enseigne à Paris-III, à l'Idhec (Institut des hautes études cinématographiques) et à l'INA (Institut national de l'audiovisuel). Il travaille en tant que coscénariste (avec Angelopoulos), et reprend du service aux Cahiers pour des articles très novateurs sur la télévision. Il publie dans diverses revues, dont Licorne. PLUSIEURS VIES Gilles Delavaud lui commande des textes pour Education 2000. C'est le début d'une collaboration. Delavaud et lui coécrivent et réalisent en deux volets Pratique et méthode du film documentaire, et L'Homme d'Aran (1995). Cette œuvre donne lieu à la fabrication d'un coffret (livre et cassette) pour le CNC (Centre national du cinéma) et l'éducation nationale. Connaisseur extrême du cinéma de Griffith, de Flaherty et des grandes heures du non-parlant, Pierre Baudry navigue à vue en pionnier dans des eaux que ne fréquente pas encore la critique : la télévision, ses débats politiques, la photo de famille (1978), la vidéo domestique (1981) et son sujet de toujours : la bande dessinée. Ses textes et exercices pratiques attirent l'attention de nombreux publics. Il participe en quasi-fondateur à l'expérience des Ateliers Varan, connus pour leur pratique politique du documentaire (à partir de 1983), dirige la revue Documentaires en 1993, est très demandé à l'étranger, a plusieurs vies, plusieurs réseaux. Pierre Baudry intervenait en queue-de-pie, cultivait l'amitié, la discrétion et le partage - partage généreux de ses passions, de ses talents culinaires, de ses trouvailles.
