Exposition Photographie. Un livre du reporter britannique parmi les tribus d'Ethiopie. expo en BelgiqueQuand McCullin célèbre la magie noirePresque tout le village est là, au moins vingt-cinq jeunes gens, y compris des bébés, qui dévisagent le photographe, Don McCullin. Beaucoup font des grimaces, car ils ont le soleil dans les yeux. Au premier plan, malicieuse, une fille couverte de bijoux sourit. Derrière, on aperçoit les huttes sur pilotis de l'ethnie Dassanech qui ressemblent aux soucoupes volantes des films des années yéyé. Cette photographie de groupe extraite de Don McCullin en Afrique résume bien l'atmosphère de ce livre purement magique, d'une simplicité qui laisse baba, et qui rappelle combien ce reporter britannique, né le 9 octobre 1935 à Londres, cultive l'art du regard lucide.«Vulnérable». Loin des conflits qui firent un temps sa réputation, et qui le laissèrent silencieux comme il le confiait à Frank Horvat en août 1987 (1), Don McCullin poursuit ses reportages. Ici, en Afrique, particulièrement en Ethiopie où il a voyagé en 2003 et 2004 pour immortaliser les tribus sédentaires et nomades, des Benes aux Mursis qui vivent au sud, à trois jours de route d'Addis-Abeba, près de la frontière soudanaise.De temps en temps, raconte le photographe dans la préface, résonne «le bruit des balles de AK-47 [...]. Le conflit dans le sud du Soudan est proche, et tous les hommes sont armés jusqu'aux dents. On se sent vulnérable». Les kalachnikovs et autres pétards que certains hommes portent dans leurs bras tels des trophées signent cette Afrique contemporaine. Sinon, en apparence, quel paradis, c'est l'aube de l'humanité, à l'image de ces deux silhouettes minuscules au bord de l'eau, immortalisées dans un paysage grandiose sous un ciel lourd.S'attachant à chaque tribu, McCullin traduit leur attention «accordée à la décoration et à la scarification des corps». Les Karos et leurs peintures blanches, juste des traits ou des pois qui leur donnent des airs de fête. Les tatouages des Surmas, réputés «exigeants ou même carrément désagréables», et ces jeunes filles qui, refusant de suivre la tradition, ne veulent pas d'une bouche avec un plateau en argile : trop de mutilation. Des garçons s'affichent nus, des plumes au sommet du crâne ; des hommes combattent avec des bâtons très fins. C'est le rituel du donga, une parade amoureuse qui, parfois, tourne mal et se termine à coups de feu. Chez les Bodis, trois fillettes, bracelets aux pieds, fixent l'objectif avec curiosité. L'une d'elles, isolée, est majestueuse.«Eden». Il y a beaucoup de naturel dans tous les portraits posés, et une grande affection. McCullin aime ce coin d'Afrique où tout paraît tranquille, mais il n'est pas homme à se laisser griser. «Un jour, j'ai compris que se trouver au coeur de ces populations est une opportunité et un privilège sans commune mesure», écrit-il, tout en sachant que cet «éden» est «d'une cruelle beauté».
