Annonce Philippe Jordan : "Ma jeunesse a été nourrie de partitions" L'Opéra Bastille propose, du 2 au 30 décembre, la quatrième reprise à succès du Chevalier à la rose de Richard Strauss dans la version salzbourgeoise de 1995, mise en scène par Herbert Wernicke. Le casting vocal est de bon aloi - Anne Schwanewilms en Maréchale, Heidi Grant-Murphy en Sophie et Vesselina Kasarova en Chevalier Octavian. Le Chevalier à la rose, de Richard Strauss, livret d'Hugo von Hofmannsthal. Mise en scène, décors et costumes Herbert Wernicke. Opéra Bastille, 120, rue de Lyon, Paris-12e. M° Bastille. Tél. : 08-92-89-90-90. Les 2, 5, 14, 21, les 27 et 30 décembre à 19 heures, les 10 et 24 décembre à 14 h 30. Durée : 4 h 05 avec deux entracte. De 5 € à 150 €. www.operadeparis.fr [-] fermer Mais l'un des atouts majeurs est cette fois dans la fosse, où se produit, après un straussien Ariane à Naxos en 2004, le jeune chef d'orchestre Philippe Jordan. Nous avons rencontré le fils d'Armin Jordan (disparu le 20 septembre à l'âge de 74 ans) à quelques jours de la première, samedi 2 décembre. A 32 ans, vous avez déjà une belle carrière de chef d'orchestre. Que vous a transmis votre père, Armin Jordan ? Mon père ne m'a jamais donné de cours de direction d'orchestre, mais toute ma jeunesse a été nourrie des partitions qu'il travaillait à la maison, des enregistrements qu'il faisait, des répétitions auxquelles j'assistais pendant mes vacances scolaires. J'ai hérité de son goût pour la transparence du son des orchestres français, j'ai hérité de son amour pour l'opéra. J'ai d'ailleurs débuté comme chef de chant dans un théâtre avant de devenir un chef d'orchestre dont la carrière est occupée aux deux tiers par le répertoire lyrique. De 27 à 30 ans, vous avez été directeur musical à l'Opéra de Graz, en Autriche. Malgré de nombreuses sollicitations, vous êtes aujourd'hui un chef libre. Pourquoi ? Après ces trois années passionnantes mais difficiles, j'avais besoin de faire une coupure. Je n'avais plus de vie privée. Je ne veux pas diriger n'importe quel orchestre avec n'importe quel directeur dans n'importe quelle ville. J'ai besoin de voyager, d'apprendre, d'explorer le monde musical. Sinon, à 45 ans, je n'aurai plus d'énergie ni de désir. Néanmoins, je deviens la saison prochaine, et pour cinq ans, premier chef invité au Staatsoper, que dirige Daniel Barenboïm à Berlin, la ville où je vis. En deux productions avec les metteurs en scène allemands Ursel et Karl-Ernst Hermann, vous avez vécu des expériences contraires. Pensez-vous que l'importance donnée à la scène se fasse au détriment des musiciens ? Nous avions réalisé un merveilleux Turco in Italia de Rossini, à Bruxelles, au point de devenir des amis. Et puis on se retrouve l'été à Salzbourg pour Cosi fan tutte, de Mozart, et cela ne marche plus. La question n'est pas que la mise en scène soit moderne ou pas, ni même qu'elle soit bonne ou non, mais surtout qu'elle respecte la musique. Dans Cosi, ils avaient truffé les récitatifs de silences très longs, au point qu'il était impossible ensuite de relancer la machine. Je n'avais même pas le droit de demander un clavecin, parce qu'ils voulaient un pianoforte. Mais je n'accepterai plus jamais cela. Il faut savoir choisir entre un été malheureux et de bonnes vacances. Heureusement, mes rapports avec l'Orchestre philharmonique de Vienne, réputé difficile, ont été bons. Que va changer la disparition de votre père dans votre vie de musicien ? Nous n'étions pas très proches, car il avait un tempérament latin excessif et sentimental, tandis que je tiens plutôt du côté germanique de ma mère, plus rationnel et cérébral. Mais il a toujours suivi ma carrière avec fierté, bienveillance et amour. Et cela me manque. Je ne l'ai pas beaucoup vu diriger ces dernières années, pris par mes propres activités. Mais, en juin, il était venu écouter mes débuts à l'Opéra de Zurich dans L'Affaire Makropoulos, de Janacek, et je devais en retour aller voir ses Maîtres chanteurs wagnériens, à Genève, en décembre. Cela n'aura jamais lieu, et quand je vois sa partition avec toutes ses annotations, cela me rend vraiment triste. Même si je crois que l'artiste est un passeur entre deux mondes.