Mort de Pham Xuan An

Mort Pham Xuan An, ancien journaliste vietnamien L'ancien journaliste vietnamien Pham Xuan An, qui fut le grand espion communiste des guerres d'Indochine, est mort dans un hôpital d'Ho-Chi-Minh-Ville, mercredi 20 septembre, des suites d'une insuffisance respiratoire. Il était âgé de 79 ans. Son histoire a été, d'abord, celle de l'espion parfait. A l'époque de la guerre américaine, cet homme encore jeune était considéré comme l'un des meilleurs analystes du conflit. Il était alors journaliste à l'agence Reuters, avant d'être intégré au sein de l'équipe du magazine américain Time. Il avait ses entrées partout, à la présidence, à l'état-major, chez le proconsul américain, au sein de la CIA, à telle enseigne que certains pensaient qu'il travaillait pour l'agence américaine de renseignements. S'asseoir en face de lui, chez Givral, le café de toutes les rumeurs, baptisé "Radio-Catinat", était une bonne façon de gagner du temps. Ses analyses étaient concises, qu'il s'agisse de la stratégie communiste, du pouvoir américain, des méandres de la politique saïgonnaise. Ses articles étaient épluchés. Il était considéré comme le meilleur journaliste vietnamien de la place. Les experts américains de la guerre défilaient dans le bureau de cet homme accueillant, anglophone et francophone. Il a fallu attendre 1978, soit trois ans après la conclusion du conflit, pour apprendre, à la suite d'une indiscrétion délibérée, que Pham Xuan An avait été la plus importante taupe communiste dans le Sud : colonel - il sera promu plus tard général de brigade - des services de renseignements et "héros de l'armée populaire". Au prix de terribles risques, il avait réussi à esquiver toutes les enquêtes, à préserver sa "couverture" de journaliste tout en continuant, jusqu'au dernier moment, à inonder le bureau politique du PC vietnamien d'informations ultraconfidentielles et d'explications devenues décisives au fil des années. Car l'espion était doublé d'un stratège. C'est lui qui avait averti Hanoï, début 1963, de la faillite de la "guerre spéciale" américaine et qui, en 1964, avait prédit que Washington allait envoyer des troupes dans le Sud, ce qui se produira l'année suivante. Fin 1974, il avait garanti à Hanoï que les Etats-Unis n'interviendraient pas en cas d'offensive générale communiste. Le journalisme était sa couverture. "Je n'ai jamais menti ni dans mes dépêches ni dans mes échanges avec d'autres journalistes. Je n'étais pas là pour le faire. Au contraire, mon intérêt était d'écrire et de dire la vérité", nous avait-il expliqué une vingtaine d'années plus tard. UNE "GENTILLE RÉÉDUCATION" Né le 12 septembre 1927, Pham Xuan An avait fait ses classes du temps des Français. Issu de la génération d'adolescents emportés par le mouvement nationaliste des années 1940, il avait été recruté par le Dr Pham Ngoc Thach, le médecin d'Ho Chi Minh. Il était devenu membre du Parti communiste au début des années 1950 tout en faisant son service militaire dans l'armée de Bao Dai. Ensuite, le PC l'avait envoyé faire deux années d'études de journalisme en Californie. Pour lui, comme pour d'autres héros de ces deux guerres, les lendemains de victoire ont déchanté. Il n'avait pas sacrifié sa vie pour en arriver là. Ces dernières années, l'amertume entachait son fort sens de l'humour quand il racontait, par exemple, son année de "rééducation" - "gentille", disait-il - à Hanoï, en 1978-79. Il était surtout scandalisé par l'étendue de la corruption, lui qui ne s'était déplacé, jusqu'à l'âge de 75 ans, qu'au guidon d'une vieille moto rafistolée.