Mort de Paul Spiegel

Mort Paul Spiegel, président du Conseil central des juifs en Allemagne Paul Spiegel, le président de l'organe représentant la communauté juive d'Allemagne, en plein essor depuis une quinzaine d'années, est mort dimanche 30 avril à l'hôpital de Düsseldorf des suites d'un infarctus du myocarde et d'une leucémie. Il était âgé de 68 ans. Comme ses cinq prédécesseurs à la tête du Conseil central des juifs en Allemagne, Paul Spiegel a survécu au nazisme et au génocide. Contrairement à Ignatz Bubis, à qui il a succédé en 2000, il n'a toutefois pas connu les camps. Né le 31 décembre 1937 à Warendorf, en Westphalie, dans l'ouest de l'Allemagne, il a passé la guerre caché dans une ferme en Belgique, où sa famille s'était réfugiée. Il connaît à peine sa soeur aînée, Rosa, arrêtée et morte en déportation. De retour en Allemagne après la guerre, au côté de son père, rescapé d'Auschwitz et de Dachau, Paul Spiegel a grandi dans une famille bourgeoise et religieusement plutôt traditionnelle. Il a entamé une carrière de journaliste à l'hebdomadaire Allgemeine Jüdische Wochenzeitung, avant de devenir porte-parole de caisses d'épargne régionales. En 1986, il a fondé une agence artistique à Düsseldorf. Sa passion pour la comédie et le spectacle - il chérissait les cracheurs de feu - passera peu à peu au second rang, au profit de son engagement dans la vie de la communauté juive. D'abord à Düsseldorf puis au niveau fédéral, lorsqu'il a succédé au charismatique Ignatz Bubis, mort en août 1999. Si ce dernier s'était érigé en véritable autorité morale, Paul Spiegel, tout aussi écouté que lui, a adopté un profil plus consensuel. " Je n'ai pas voulu être une instance morale", disait-il avant sa mort. Cela ne l'a pas empêché de pourfendre tout acte d'antisémitisme dans le pays, ainsi que ceux commis contre les autres "minorités". L'an dernier, alors que l'Allemagne commémorait la Nuit de cristal (1938), il estimait que les juifs étaient "toujours une minorité discriminée" dans ce pays. "Le racisme et l'antisémitisme font presque encore partie, aujourd'hui, du quotidien." Lors de l'inauguration, en mai 2005 à Berlin, du Mémorial des juifs assassinés d'Europe, il avait regretté que ce lieu, selon lui, n'explique pas le crime ni ne désigne les bourreaux. Après les attentats antiaméricains du 11 septembre 2001, Paul Spiegel a mis en garde contre l'amalgame entre islam et terrorisme, ce qui lui vaut aujourd'hui, parmi tous les hommages rendus à sa personne, la reconnaissance des dirigeants de la communauté musulmane d'Allemagne. Partisan du dialogue entre les religions, Paul Spiegel a accueilli le nouveau pape allemand, Benoît XVI, lorsque celui-ci a choisi de se rendre à la synagogue de Cologne, en marge des Journées mondiales de la jeunesse, à l'été 2005. CONCORDAT AVEC L'ETAT FÉDÉRAL Son mandat à la tête de la communauté juive a été marqué par la signature d'un concordat avec le gouvernement de l'ex-chancelier Gerhard Schröder, qu'il côtoyait personnellement. L'Etat fédéral s'était alors engagé à verser 3 millions d'euros par an pour la préservation et le développement du patrimoine culturel juif allemand, mettant peu ou prou le judaïsme sur un pied d'égalité avec les principales Eglises chrétiennes du pays. Paul Spiegel a également dû gérer les conséquences de l'arrivée de nombreux juifs russes provenant de l'ex-Union soviétique. Forte de quelque 30 000 membres avant 1989, contre plus de 500 000 avant l'arrivée d'Hitler au pouvoir en 1933, la communauté juive allemande en compte désormais plus de 100 000, soit la troisième d'Europe occidentale en nombre. Même si une bonne partie de ces nouveaux venus ne connaissent rien ou presque du judaïsme et du génocide, Paul Spiegel a vu en cet afflux une revanche sur l'idéologie national-socialiste. Depuis quelques années, on construit de nouvelles synagogues et on forme de jeunes rabbins outre-Rhin. Son successeur à la tête du Conseil central, dont la composition ne reflète pas cette nouvelle réalité, n'a pas encore été désigné. Contrairement à son prédécesseur, qui craignait de voir sa tombe profanée, Paul Spiegel ne sera pas inhumé en Israël mais, jeudi, à Düsseldorf.