Inauguration Paroles de déportés à l'inauguration du Mur des Noms, à Paris 2 500 personnes sont venus au Mémorial de la Shoah écouter les hommages rendus aux 76 000 juifs français envoyés dans les camps nazis avec la complicité du régime de Vichy. Plus de 2 000 survivants et familles de déportés se sont pressés, dimanche 23 janvier, devant le Mémorial de la Shoah, au coeur du quartier parisien du Marais, pour assister à l'inauguration du Mur des Noms qui commémore le souvenir de 76 000 déportés juifs de France pendant la Seconde guerre mondiale. Ils se pressaient, les uns contre les autres, vieux et jeunes, venus de différentes régions françaises mais aussi de Belgique, pour espérer entrer sur le parvis du Mémorial de la Shoah et reconnaître sur le Mur, gravés dans la pierre de Jérusalem, les noms de leurs proches, emportés de 1942 à 1944 par la folie nazie dans les camps d'extermination, avec la complicité du régime de Vichy. "SUJETS ACTIFS DE L'HISTOIRE" Selon la Préfecture de police, 2 000 personnes sont demeurées à l'extérieur, et 500 ont pu atteindre le parvis. Ils ont donc été nombreux à ne pas entendre les vibrants hommages rendus aux victimes de l'holocauste, notamment par Simone Veil, présidente de la Fondation pour la mémoire de la Shoah et ancienne présidente du Parlement européen, Serge Klarsfeld, président de l'association des Filles et Fils des déportés juifs de France ou encore Eric de Rothschild, président du Mémorial. "Quand disparaîtra l'ultime témoin, ce Mur des Noms exprimera l'ampleur de la tragédie collective, a déclaré Serge Klarsfeld, qui, dès 1978, a établi le livre Mémorial des déportés juifs de France. Grâce à ce travail de mémoire, tous ces noms resteront des sujets actifs de l'Histoire alors qu'ils auraient pu rester anonymes dans les oubliettes du temps". Simone Veil, ancienne déportée à Auschwitz avec une partie de sa famille, a, dans un discours empreint d'émotion mais aussi de force, évoqué sa propre déportation et confié qu'elle était venue, avant la cérémonie, chercher, "dans le silence" le nom des siens, et notamment celui de sa mère sans laquelle, a-t-elle dit, ni sa soeur ni elle "n'auraient pu survivre". Tous sont venus pour se souvenir et voir le nom, d'une grand-mère, de parents ou de frères et soeurs venus pour la plupart de toute l'Europe pour trouver refuge en France et arrêtés, à partir de 1942, par la police du régime de Vichy. Ainsi cette dame, accompagnée de son fils, Raphaël Delpard, évoquant la mémoire de sa grand-mère et de ses parents, arrivés comme beaucoup de Pologne et déportés de France. Aucun n'est revenu. Elle n'a eu la vie sauve que parce qu'elle avait réussi à se faire établir de faux papiers. AMERTUME De nombreux déportés survivants, présents dimanche à la cérémonie, se sont souvenus avec amertume de l'accueil qui leur a été réservé à la sortie des camps. "Il n'y en avait que pour les héros, a dit l'un d'eux, Addy Fuchs. Nous, on ne voulait pas nous entendre. On nous en voulait presque d'être revenus". Simone Veil aussi a laissé transparaître cette amertume : "Nous avons été maltraités et encore aujourd'hui, j'ai entendu des questions perfides, comme 'quelles bassesses avez-vous commises pour être là?'" Elle a souligné que "la Mémoire de la Shoah ne doit pas seulement être portée par les enfants des victimes. C'est l'Humanité toute entière qui a été assassinée dans les camps". "Nous comptons aussi sur tous nos responsables, a-t-elle ajouté, pour que ce moment de commémoration soit le point de départ d'une Histoire qui n'a pas été suffisamment faite". La plupart des 76 000 déportés juifs de France, dont 11 000 enfants, ont été envoyés à Auschwitz-Birkenau. Seuls 2 500 d'entre eux en sont revenus. Avec AFP Une semaine pour commémorer la libération des camps de la mort Le premier ministre Jean-Pierre Raffarin lancera une semaine riche en cérémonies commémoratives de la libération des camps de la mort de la Seconde guerre mondiale en se rendant lundi, en compagnie notamment de Simone Veil, ancienne déportée, à Izieu (Ain) où 44 enfants juifs et leurs sept éducateurs ont été raflés en avril 1944 pour être déportés et exterminés à Auschwitz-Birkenau. Le lendemain mardi, Jacques Chirac inaugurera le mémorial de la Shoah à Paris. Il se rendra jeudi à Auschwitz pour assister à la cérémonie internationale du 60e anniversaire de la libération du camp et inaugurer la nouvelle exposition du pavillon français présentée depuis 1978. - (Avec AFP)