Découverte Paléontologie : Le crâne fossile a été retrouvé dans une mine de diamant en Namibie Un cochon de 21 millions d'années mis au jour «Enfin, la tête de cochon que j'attends depuis le début de ma carrière», s'exclame Martin Pickford, paléontologue au Muséum (MNHN). Clin d'oeil du sort, ce petit trésor de la paléontologie vient d'être découvert dans une mine de diamant en Namibie. Il s'agit de Nguruwe nabimensis, le plus ancien suidé connu d'Afrique. La première tête complète et en très bon état de cet artiodactyle adulte, avec sa base ! Cette trouvaille comble de bonheur la communauté scientifique présente et passée. Avant Martin Pickford, d'autres scientifiques espéraient une telle aubaine. Elle devrait donner des caractères morphologiques précieux et en dire long sur l'évolution et les relations de parenté des suidés. C'est l'oeil avisé de Brigitte Senut qui a repéré une esquille d'émail dans le sable salé du gisement diamantifère de Grillental, dans le Sperrgebiet, région interdite de Namibie. Les deux scientifiques prospectent en effet depuis quatorze ans dans ces mines sur l'invitation de la «Namdeb Diamond Corporation Ltd» et du Service géologique de Namibie. Le but est la datation des couches diamantifères. En ce 19 mai 2005, à plat ventre sur le sable qui se déplace sous le vent, Brigitte Senut commence à dégager à la brosse ce qui entoure la dent, car c'en est une. Elle en distingue une deuxième et le reste d'un crâne. Ebahie par sa découverte, elle appelle Martin Pickford qui n'est pas loin. Le paléontologue creuse à son tour délicatement autour du fossile pour dégager le bloc dans lequel il repose depuis 21 millions d'années, le miocène inférieur. Le jeu des variations climatiques et la remontée des eaux ont apporté des sédiments dans cette vallée. Sédiments qui ont servi de gangue protectrice au fossile. Grâce à son très bon état de conservation, il sera possible d'évaluer sur l'animal la place, la taille et la forme de tous les nerfs qui transmettent les messages des sens. C'est-à-dire la vue, l'ouïe et l'olfaction. Et d'étudier l'endroit où le crâne s'attache sur la colonne vertébrale (foramen magnum). A première vue, Martin Pickford estime le bulbe temporal de ce suidé plus gros que celui des cochons actuels. Il devait bénéficier d'un sens de l'écoute plus aigu, ce qui donne des informations sur le milieu dans lequel il vivait. Ce devait être une région ouverte peut-être près de l'eau. Les orbites sont plus importantes que chez les cochons actuels, ce qui signifie peut-être qu'il était nocturne. Pour mieux se diriger la nuit, les yeux ont besoin d'être plus grands que pour voir le jour. Par ailleurs, l'articulation mandibulaire haute montre qu'il appartenait à la lignée des cochons et non pas à celle des pécaris ou des hippopotames. Enfin, les traces d'insertion des muscles masticateurs conservées sur la base du crâne vont donner des indications sur sa façon de mastiquer et sur la nature de ce qu'il avalait. A la différence des cochons actuels, les processus paroccipitaux – là où s'insèrent deux des muscles de la mandibule – sont courts avec une inclinaison portée vers l'arrière. Cela confirme bien que l'animal est plus primitif que les suidés actuels (phacochères, hylochères, potamochères et cochons domestiques) et qu'il se situe non loin des palaéochoeridés, sortes de «pécaris» de l'ancien monde connus surtout en Europe.
