Scandale Outre le vol de 25 manuscrits, des failles dans la sécurité du site Richelieu seraient à l'origine de la disparition de plus de mille ouvrages rares BNF : une passoire pour des milliers de documents précieux Des multiples failles dans la sécurité de la Bibliothèque nationale de France (BNF) ont été mises au jour depuis un an. Face au scandale, le président de la BNF, Jean-Noël Jeanneney, a rédigé un rapport consacré à «la sûreté des collections». Ce document, dont Le Figaro détaille le contenu, établit qu'à l'occasion du déménagement du site Richelieu vers Tolbiac, «30000 absences, soit 0,3% des collections» ont été signalées. Dans le «coeur précieux» de la BNF, plus de mille pièces sont manquantes ou absentes. Depuis, les visiteurs comme les agents sont en principe sévèrement contrôlés. Outre ces disparitions, une information judiciaire est en cours sur des vols d'ouvrages rares. Principal protagoniste de cette affaire, l'ancien conservateur en chef, Michel Garel, soupçonné d'avoir dérobé un incunable, est à nouveau convoqué chez le juge d'instruction demain. Dans une interview exclusive au Figaro, il répond aux accusations. Devenue une Babel moderne, la Bibliothèque nationale de France (BNF) abrite aujourd'hui 35 millions d'objets de toute nature, dont quinze millions d'imprimés et vingt millions de documents dits «spécialisés» tels que des manuscrits, cartes et plans, photos ou encore costumes. Vols de pièces au département des médailles en 1946 ayant entraîné le suicide du conservateur de l'époque, disparition, au début des années 80, d'un précieux manuscrit érotique persan, «kidnapping» en 1997 d'un incunable du XVe siècle – la Cosmographia de Claude Ptolémée sur aquarelle – retrouvé l'année suivante chez Christie's Londres... Page après page, l'histoire de la Bibliothèque nationale de France épouse à s'en étourdir celle du pillage et du vandalisme. Devenue une Babel moderne, la Bibliothèque nationale de France (BNF) abrite aujourd'hui 35 millions d'objets de toute nature, dont quinze millions d'imprimés et vingt millions de documents dits «spécialisés» tels que des manuscrits, cartes et plans, photos ou encore costumes. Dans le lot, pas moins de deux millions de pièces peuvent être considérées comme rares et précieuses. «Vouloir faire de la BNF un coffre-fort serait confortable mais ce n'est pas notre vocation. A la différence des musées, nos documents sont là pour être consultés», explique Agnès Saal, directrice générale de l'établissement, qui a communiqué 1,2 million de documents à près de 400 000 chercheurs en 2003. En septembre dernier, au lendemain du scandale provoqué par le vol de manuscrits au fonds hébraïque (lire ci-dessous), Jean-Noël Jeanneney, président de la BNF depuis mars 2002, établit un rapport sans concession consacré à «La sûreté des collections». Ce document, dont Le Figaro peut détailler le contenu, révèle qu'un inventaire «mené sur 10 millions d'unités» à l'occasion du déménagement des bibliothèques de Richelieu et de Versailles vers le site François-Mitterrand «avait fait apparaître environ 30 000 absences, soit 0,3% des collections (...)». «Sur ce chiffre, poursuit le rapport, (...) la très grande majorité est constituée par des ouvrages des XIXe et XXe siècles, en littérature et en histoire.» Selon nos informations, les dernières vérifications effectuées en 2004, notamment dans le «coeur précieux» de la BNF, indiquent que 1 183 documents ont été signalés comme manquants ou absents. Quelque 200 d'entre eux sont antérieurs au XVIIIe siècle. «Ces disparitions, dont les dates sont difficiles à établir, nous indignent sans vraiment nous surprendre car certains fonds n'ont pas été inspectés depuis très longtemps, précise Agnès Saal. La politique de l'autruche n'est pas bonne. A un moment ou à un autre, il fallait faire émerger ces manques...» En 2002, la BNF a entrepris de renforcer sa coopération avec les groupes spécialisés de la brigade de répression du banditisme et de l'Office central de lutte contre les trafics de biens culturels (OCBC). Depuis 1998, plus d'une quinzaine de plaintes ont été déposées. Pourtant, si deux agents ont été soupçonnés d'indélicatesses, aucun n'aurait été révoqué. Soucieux de défendre le patrimoine, le président de l'établissement public s'est employé à renforcer singulièrement la «surveillance étroite dans lesquelles les lecteurs et les agents de la bibliothèque accèdent aux documents». Procédures d'accréditations, vérifications d'identité et modernisation de la vidéosurveillance : le public est soumis à un règlement draconien. En 2003, pour 3 500 lecteurs, seules 44 exclusions temporaires et trois définitives ont été prononcées. De leur côté, les agents, qui doivent produire un casier judiciaire vierge, portent des badges magnétiques. Ponctuellement, ils doivent ouvrir et présenter le contenu de leurs sacs, vider les poches de leurs manteaux, ouvrir leurs meubles de bureau ou leurs vestiaires. Enfin, il a été décidé qu'une quinzaine de conservateurs seront mutés chaque année. «L'exercice d'une responsabilité longue et directe sur un fonds recèle des dangers, soulignait Jean-Noël Jeanneney dans son rapport. L'administration doit donc chercher à se prémunir contre la défaillance ou la malveillance de ceux-là mêmes qui ont en charge le contrôle, et qui sont par nature faillibles...» Ce péril n'est pas neuf pour qui garde en mémoire les forfaitures du comte Libri, aristocrate d'origine italienne qui avait profité à la fin du XIXe siècle d'une mission d'inspection des bibliothèques de France pour y rafler des pièces majeures, telles que la Divina Commedia de Dante ou des esquisses de Léonard de Vinci.
