Mort d'Olivier Dollfus
Mort Olivier Dollfus, le géographe du "système-monde" Olivier Dollfus, géographe, est mort mardi 1er février, à l'âge de 73 ans. Né le 12 février 1931 à Paris, Olivier Dollfus fut d'abord un spécialiste des hautes montagnes : Andes (sur lesquelles porte sa thèse d'Etat), Himalaya, Alpes. Agrégé de géographie, il enseigne à la Sorbonne dès 1967, puis il participe à la fondation de l'université Paris-VII - Denis-Diderot. Il fait de longs séjours au Pérou (où il crée l'Institut d'études andines), et sa connaissance de l'Amérique latine le conduit à des fonctions de conseiller pour différents ministères. Comme professeur, il a influencé plusieurs générations d'étudiants, avec lesquels il a su tisser des liens durables.De l'approche comparative des montagnes, Olivier Dollfus a tiré un intérêt pour les questions de développement puis pour le monde en général, qui est peu à peu devenu son centre d'intérêt majeur. Sur cette thématique, il publie de nombreux articles et ouvrages durant les vingt dernières années. En 1983, il crée, avec Michel Beaud, le groupement de recherches pluridisciplinaires Gemdev, spécialisé dans les questions de développement, puis, notamment sous son impulsion, dans l'analyse des multiples dimensions du phénomène "mondialisation".Son grand apport à la géographie et aux sciences sociales aura été une étude pionnière de l'espace mondial pris comme un tout. Dès le début des années 1980, en intégrant de manière critique les apports d'Immanuel Wallerstein, Olivier Dollfus se détache de ce qu'on appelait encore "géographie générale" pour construire un objet d'étude nouveau, l'espace mondial, dont les logiques globales sont identifiables et, affirme-t-il, ni plus ni moins intelligibles que celles de n'importe quelle autre situation géographique. Anticipant sur ce que l'on n'appelle pas encore "mondialisation", il propose la notion de "système-monde", véritable programme de travail pour l'exploration de toutes les interdépendances, financières mais, tout autant, politiques et culturelles, qui constituent la trame de l'espace planétaire.Ce terme devient presque immédiatement un objet de débat scientifique et entre très rapidement dans les manuels scolaires, suscitant là aussi enthousiasme et controverses. Olivier Dollfus développe une approche systémique fortement infléchie par ce qui émerge alors comme le "paradigme de la complexité". Il conçoit ainsi la mondialisation comme un processus sophistiqué et contradictoire. Il prend d'abord appui sur une nouveauté majeure : la coïncidence émergente entre le monde, comme espace humain unifié, et la Terre, comme environnement biophysique, ce qui donne une cohérence théorique, du point de vue des sciences humaines, à l'enjeu écologique.Insistant sur l'importance des réseaux, Olivier Dollfus avance le vocable d'archipel mégapolitain mondial (AMM), un ensemble de métropoles, souvent davantage reliées entre elles qu'à leur arrière-pays et qui constituent le noyau dur de l'espace mondial. Il identifie aussi des "chaos bornés", ces zones de désordre et de violence qui sont tenues à distance de "centres" animés par d'autres temporalités. Enfin, il insiste sur l'importance d'"entrer dans le monde par les lieux", c'est-à-dire de travailler sur la mondialité à toutes les échelles et dans tous les recoins, y compris les plus improbables, de la planète.Par son parcours original, son appétit théorique, son ouverture interdisciplinaire et sa sensibilité au contemporain, Olivier Dollfus a appartenu au petit groupe de sa génération qui a contribué à déplacer le centre de gravité de la géographie pour la faire entrer de plain-pied dans le concert des sciences sociales.