Annonce NucléaireUn atome de contact entre Iran et Etats-UnisEn s'adressant directement par lettre à George Bush en pleine crise sur le dossier nucléaire, le président Ahmadinejad envoie un signe historique.Renouer avec le Grand Satan, c'est-à-dire les Etats-Unis : c'est une initiative historique qu'a prise hier Téhéran, et elle revient à Mahmoud Ahmadinejad, l'homme qui en semblait le moins capable. Le président iranien, sans doute l'un des dirigeants les plus radicaux et antioccidentaux que la république islamique ait produits, n'y est pas allé par quatre chemins : il a écrit une lettre à George W. Bush pour lui proposer «de nouveaux moyens» de régler les tensions dans le monde. En vingt-sept ans, c'est la première fois qu'un dirigeant islamique iranien s'adresse directement par écrit à un président américain. Commentaire d'un journaliste de Téhéran, cité sur un site Web : «C'est comme une explosion atomique au moment où la question du nucléaire iranien est maintenant l'un des problèmes mondiaux les plus urgents.»Sur le même sujetDu coup de bluff au coup de force, comment désamorcer le danger ?A savoirCoulisse. Non seulement Ahmadinejad a brisé le tabou des tabous, mais il l'a fait savoir publiquement, via le porte-parole du gouvernement. «Le contenu de la missive va au-delà des questions nucléaires, et les questions nucléaires font partie des questions internationales», a-t-il simplement déclaré. Et c'est le ministre des Affaires étrangères, Manoucher Mottaki, qui l'a remise à l'ambassadeur suisse, Etats-Unis et Iran n'ayant plus de relations diplomatiques depuis la prise d'otages en 1980 de l'ambassade américaine.Certes, Téhéran et Washington s'étaient déjà entendus en coulisse sur la question afghane lors de la chute des talibans. Mais, il y a quelques années, un sondage indiquant que plus de 80 % des Iraniens étaient favorables à des négociations avec les Etats-Unis avait tout de même conduit ses auteurs en prison. Les responsables iraniens qui osaient engager le moindre dialogue officieux couraient, eux, le risque d'être destitués. Le Guide du régime, Ali Khamenei, estimait même que quiconque accepterait ce principe était «lâche et sans honneur». C'est pourtant lui qui, le 21 mars, donnait le feu vert pour briser ce tabou en permettant que Washington et Téhéran puissent se rencontrer sur... l'Irak. Les experts attendaient que les discussions sur la situation irakienne servent de paravent à celle sur le nucléaire. Ahmadinejad n'en a pas eu besoin. A l'évidence, c'est donc tout le régime, hormis quelques clans ultras, qui est derrière lui. Mais il fallait un tenant de la ligne dure pour oser ce geste d'ouverture, naguère comparé au «cimetière de la république islamique».Sanctions. L'annonce d'Ahmadinejad arrive à quelques heures d'une réunion à New York des chefs de la diplomatie des six puissances majeures pour élaborer une stratégie commune visant à obliger l'Iran à suspendre son programme d'enrichissement d'uranium. En parallèle, les 15 membres, permanents et non permanents, du Conseil de sécurité doivent de nouveau discuter d'un projet de résolution, conçu par Paris et Londres avec l'appui de Washington, pour obliger l'Iran à suspendre l'enrichissement, sans toutefois le menacer encore de sanctions (lire ci-dessous). Première réaction américaine : le directeur du renseignement, John Negroponte, a estimé qu'il y avait un lien entre la lettre d'Ahmadinejad et ce débat.
