Fait divers Noyés aux portes de l'eldorado européen Près de 60 candidats à l'immigration en Italie ont péri noyé dimanche au large de la Tunisie • Rome affiche sa fermeté après une vague massive d'arrivées • Les Européens sont divisés sur les centres de transit pour les réfugiés • lors que les Européens s'interrogent sur l'opportunité de créer des centres de transit pour immigrés à leurs frontières, une soixantaine de clandestins ont probablement péri noyés ce week-end entre la Tunisie et les côtes italiennes. Un bateau transportant 75 immigrants clandestins (70 Marocains et 5 Tunisiens) a chaviré dans la nuit de samedi à dimanche au large des côtes tunisiennes. Lundi, après une deuxième nuit de recherches, on dénombrait 17 noyés et 47 disparus, tandis que 11 personnes avaient pu être sauvées par la marine. Selon l'agence officielle tunisienne, les immigrés clandestins marocains qui se trouvaient à bord de l'embarcation étaient tous entrés légalement sur le territoire tunisien; ils faisaient partie d'un groupe de 280 personnes qui projetaient d'émigrer clandestinement vers l'Italie. La péninsule fait face à un afflux de clandestins du Maghreb et d'Afrique subsaharienne qui transitent par la Libye et parfois la Tunisie, avant de risquer la traversée sur des embarcations bondées. La semaine dernière, l'une d'elles avait coulé à peine ses passagers débarqués dans le port de Lampedusa, première étape européenne pour les candidats à l'immigration. Aller retour Ce week-end, les autorités de Rome ont réagi avec une promptitude inhabituelle et renvoyés vers le Libye des centaines de nouveaux arrivants tout juste débarqués à Lampedusa, cette petite île au sud de la Sicile qui sert de porte d'entrée vers l'eldorado européen. Le centre de premier accueil de l'île était débordé (avec 1.250 personnes, soit 1.000 de plus que sa capacité), alors que près d'un millier d'immigrés avaient profité d'une météo clémente pour traverser la Méditerranée la semaine dernière. Pour le vider, le gouvernement a mis en place un pont aérien pour les rapatrier immédiatement en Libye. Deux avions spéciaux d'Alitalia et deux appareils militaires ont été réquisitionnés et, en trois jours, environ 500 immigrés clandestins qui ont refait le voyage en sens inverse quelques heures à peine après leur débarquement. Le patronat réclame «une approche plus libérale de l'immigration» «Nous poursuivrons sur cette ligne. Les désespérés qui pensent encore pouvoir s'embarquer illégalement vers l'Italie doivent savoir qu'ils seront renvoyés vers leurs lieux de départ aussitôt après avoir reçu les secours humanitaires», a annoncé dimanche le ministre de l'Intérieur Giuseppe Pisanu. «Ces rapatriements, en toute hâte, ressemblent à des expulsions collectives interdites par les traités internationaux dont l'Italie est signataire», ont répondu les Démocrates de gauche, première force d'opposition, doutant que «les clandestins aient eu le temps de présenter une demande d'asile». Le chef du patronat italien, Luca Cordero di Montezemolo, également président de Ferrari et de Fiat, a joint sa voix au concert de critiques, réclamant «une approche plus libérale de l'immigration et une politique européenne pour faire face à ce phénomène». Les divisions européennes La question de l'immigration clandestine est justement en plein débat au sein des pays de l'Union européenne. Le ministre allemand de l'Intérieur Otto Schily a proposé vendredi à ses homologues de l'UE la création de «centres de traitement» des demandeurs d'asile dans les pays de transit, notamment au Maghreb. Cette proposition divise les Européens. La France, par la voix du ministre Dominique de Villepin, s'est dite hostile à l'idée d'ouvrir de «nouveaux Sangatte». Lundi, la Belgique a rejoint le camp des opposants au projet allemand. Dans un entretien publié lundi par le quotidien De Standaard, le ministre belge de l'Intérieur, Patrick Dewael, souligne que «ces centres ne géreraient au maximum que 10% des flux migratoires». «Précisément parce que les demandes d'asile ne représentent qu'une fraction des flux migratoires, je ne crois pas à cette formule de camps d'admission en Afrique du Nord», conclut-il.