Crise Nouveau coup de force des Syriens au Liban Le président sortant, Emile Lahoud, a obtenu du Parlement la possibilité de prolonger son mandat présidentiel, avec la bénédiction de Damas, malgré l'opposition des chrétiens anti-syriens et des pressions de la communauté internationale.Une opposition se dessinait au Liban après l'adoption par le gouvernement d'un projet d'amendement de la Constitution permettant la prolongation du mandat du président Emile Lahoud, alors que les partisans de cette option jugeaient la partie acquise. Le vice-premier ministre, Issam Farès, a estimé que ces mises en garde étaient "une ingérence dans les affaires intérieures" du Liban. Le ministre Assem Kanso, chef de la branche libanaise du parti Baas au pouvoir en Syrie, a souligné que son parti aurait souhaité "un nouveau mandat de six ans et non une prolongation de trois ans", mais que "les pressions régionales et internationales" avaient imposé cette solution.Rafic Chlala, conseiller de l'information à la présidence, a jugé à la télévision qatarie Al-Jazira que le gouvernement représente les principaux blocs parlementaires et que l'amendement, qui doit être entériné par les deux tiers des 128 députés, était donc acquis.Seuls trois des 30 ministres, membres du bloc parlementaire du chef druze Walid Joumblatt, ont voté contre le projet. Et quatre ministres étaient absents : deux se trouvent hors du pays et deux autres, Farès Boueiz et Jean Obeid, des présidentiables potentiels, n'ont pas rendu publique la raison de leur absence.M. Joumblatt a vivement critiqué l'éventuel maintien au pouvoir de M. Lahoud, ancien commandant en chef de l'armée. "La liberté et les militaires sont deux contraires qui ne sauraient se rejoindre", a-t-il lancé. Mais pour Boutros Harb, un candidat à la présidence, les jeux ne sont encore pas faits."L'amendement n'est encore qu'un projet et ne deviendra réalité que lors du vote de l'Assemblée", a-t-il déclaré. M. Harb a jugé qu'il n'y aurait pas nécessairement deux tiers des députés favorables au projet d'amendement et a prôné d'intenses contacts avant le vote.Le chef de l'Eglise maronite au Liban, Mgr Nasrallah Sfeir, a jugé pour sa part "extrêmement regrettable" l'adoption du projet. "Ceci est extrêmement regrettable, notamment parce que cet événement nécessite du temps pour y réfléchir, échanger les points de vue et examiner en profondeur (...) ses conséquences sur le destin du Liban et de son peuple", a-t-il déclaré dans son sermon dominical au siège d'été du patriarcat maronite à Dimane, dans le nord du Liban. "C'est comme si le Liban était devenu un ballon de foot que se lancent les intérêts régionaux et internationaux, comme si ses fils en étaient devenus étrangers, sans avis à donner (...) sur leurs affaires nationales", a-t-il ajouté.Le député Nassib Lahoud, figure de proue de l'opposition, a jugé que "la décision syrienne est une atteinte à la souveraineté du Liban et à la dignité des Libanais". "Elle aura des incidences économiques et politiques désastreuses, et maintiendra les relations entre le Liban et la Syrie au niveau de la dépendance au lieu d'un partenariat stratégique", a-t-il affirmé.Un autre député de l'opposition, Farès Souaïd, a estimé que l'adoption du projet était une "journée noire de l'histoire du Liban et de la démocratie", et appelé à œuvrer pour empêcher l'adoption du texte par le Parlement.Une pétition contre la prolongation du mandat de M. Lahoud avait obtenu la semaine dernière une centaine de signatures d'hommes politiques, d'intellectuels et de syndicalistes.La Constitution, adoptée à la fin de la guerre (1975-1990), a été amendée à deux reprises. Le premier amendement, en 1995, a permis la reconduction pour trois ans du mandat du président Elias Hraoui et le second, en 1998, a porté à la présidence M. Lahoud, alors à la tête de l'armée, ce qui lui interdisait de briguer la magistrature suprême.
