Mort de Nourredine Ben Khedher

Mort Nourredine Ben Khedher, opposant tunisien Un opposant au régime d'Habib Bourguiba. Figure de proue du mouvement contestataire estudiantin tunisien des années 1960-1970, Nourredine Ben Khedher est mort jeudi 10 février, à Tunis, de maladie. Il était âgé de 69 ans. Le nom de Ben Khedher est associé à celui de Perspectives, revue créée en 1963 à Paris, en même temps que le Groupe d'études et d'action socialiste tunisien (Géast). Hostile à toute hégémonie, qu'elle provienne du parti au pouvoir en Tunisie - le Destour -, des communistes ou des trotskistes, Perspectives s'était donné un credo : "La Tunisie, et elle seule". Parmi les membres fondateurs de ce mouvement aux accents marxistes, mais libertaire dans le fond : Ahmed Smaoui, Hachemi Jegham, Mohammed Charfi, Khemais Chammari. Après plusieurs années de militantisme à Paris, au côté, notamment, de Sartre, le groupe rentre au pays. De France, il ramène une façon d'être, une "dolce vita militante". Il n'a peur de personne. Le Combattant suprême - Habib Bourguiba - est rebaptisé le "Comédien suprême". Ben Khedher et ses amis croient être dans une opposition radicale au père de l'indépendance. En réalité, ils en sont les "enfants illégitimes", comme le confiera Ben Khedher à Michel Camau et Vincent Geisser dans un long entretien (Habib Bourguiba. La trace et l'héritage, éd. Khartala). S'ils critiquent le pouvoir personnel de Bourguiba et son alignement sur les Etats-Unis, ils partagent sa vision moderniste, son universalisme et sa liberté à l'égard du religieux. Au fil des années, Perspectives inquiète de plus en plus le pouvoir tunisien. Mai-68 menace de franchir la Méditerranée. Vient l'heure de la reprise en main et des mauvais procès. Les "enfants terribles" écopent de peines allant jusqu'à seize ans de prison. Vient ensuite la période des "grâces", mais celles-ci sont aléatoires, jamais acquises. Nourredine Ben Khedher sort de prison, y retourne, et passe au total plus de dix années de sa jeunesse derrière les barreaux. Au bagne de Bordj Roumi, près de Bizerte, puis dans la prison civile de Tunis, il découvre "les caves, la tonte, les uniformes, les besoins faits à même le sol", racontera-t-il plus tard à Michel Camau. Dans cet enfer, les débats idéologiques continuent, plus virulents que jamais. Ce sont eux qui permettent de ne pas sombrer dans la folie. Quand il sort de prison, Ben Khedher renonce à l'engagement politique et se consacre à l'édition. Il dirige les éditions Cérès à Tunis, se marie, a trois enfants. Il y a un an, il est repris par le virus du militantisme. "Il faut trouver de nouvelles formes de lutte, plus "festives", pour mobiliser les jeunes", répète-t-il ainsi à son ancien compagnon de prison, Tahar Ben Hassine. Pour ce dernier, Nourredine Ben Khedher est resté jusqu'au bout "un romantique et un rêveur". Un homme qui ne s'est "jamais sclérosé".