Sortie Noir Désir sort du silence par le rock Deux ans après le drame de Vilnius, le groupe livre un CD et un DVD «live» de sa dernière tournée. Noir Désir Double CD, «En public», Barclay. Double DVD, «En image», Barclay. Sortie le 19 septembre. 'ordinaire, la commercialisation d'un album enregistré en public ne suscite aucun émoi ni commentaire particulier. Il scelle la plupart du temps une tournée, permet aux artistes concernés de prolonger l'actualité et d'empocher un chèque supplémentaire, comme à la maison de disques, de faire tourner la boutique. Incandescence. Le cas du jour, amplifié, déformé, reconsidéré à l'aune de l'actualité désastreuse qui a fait couler tant d'encre, de larmes, de fiel et de salive en 2003, dépasse qu'on le veuille ou non le champ de perception critique usuel. Les musiciens de Noir Désir, qui ont choisi de sortir En public défendent l'idée, «au-delà de l'incompréhensible tragédie, d'une histoire de groupe, écrite de manière juste et belle, nourrie de rencontres humaines, artistiques et citoyennes». Du reste, En public rend compte de l'incandescence à laquelle le groupe et son chanteur dont on a mentionné mille fois la dimension charismatique portaient ses spectacles. Le double album propose 24 titres rock (habités, fébriles, lestes, chamaniques, térébrants...), où les notions de grandiloquence et de panache fusionnent dans ce que certains profanes mal intentionnés (ou juste ignorants) auront tôt fait d'interpréter comme une forme d'exaltation tristement prémonitoire. Au lieu de quoi, Noir Désir se situe juste à cette époque à son apogée. Artistiquement d'abord : l'album Des visages des figures, publié en 2001 et lancé par l'air entêtant le Vent nous portera, a marqué une évolution significative vers des horizons musicaux synonymes de plénitude. Commercialement ensuite : le groupe, considéré comme numéro 1 en France depuis une bonne dizaine d'années, n'a jamais vendu autant de disques. Toutes les salles sont pleines à craquer. La tournée étalée sur un an (en France, mais aussi au Moyen-Orient, en Suisse, au Canada...) a été triomphale. Quand Vilnius est survenu, Serge Teyssot-Gay, Denis Barthe et Jean-Paul Roy travaillaient dans le sud-ouest de la France, au studio du Manoir, à l'élaboration du disque... qui ne sortira finalement que vingt-six mois plus tard. Délai jugé «raisonnable» par Noir Désir et sa maison de disques qui, face aux détracteurs éventuels, rappelle la nécessité de «faire la part des choses entre la vie de Bertrand Cantat et l'oeuvre du groupe». «Fierté». Directeur général du label Barclay, qui dépend du groupe Universal (que Noir Désir avait tancé du temps de Jean-Marie Messier, au cours des Victoires de la musique en 2002), Olivier Caillart joue cartes sur table : «Nous sortons ce disque le plus normalement du monde, sans la moindre gêne et même avec fierté, en espérant en vendre le plus possible. Compte tenu du contexte le marché a chuté d'environ 40 % ces dernières années et du fait qu'il s'agit d'un live, à partir de 200 000 copies vendues, on pourra parler de succès... et de signe fort du public envers le groupe.» Pour communiquer, Noir Désir a choisi d'accorder une dizaine d'interviews en presse écrite et radio, mais rien à la télévision. «Nous avons même refusé des JT, où il n'est pas question pour nous de n'apparaître que tous les trois.» Là encore, Olivier Caillart défend le principe de la «banalisation» : «Noir Désir a toujours refusé le marketing tapageur. Aussi, comme pour les précédents albums, il y aura une campagne d'affichage, mais pas de spots à la télé... D'ailleurs, pendant deux ans, Barclay n'a pas cherché à faire un euro de profit sur le nom de Noir Désir : il n'y a pas eu la moindre réédition, ni compilation, et les ventes après Vilnius n'ont pas explosé, au risque de contredire une des nombreuses conneries qu'on a pu entendre à l'époque.»