Démission NHK, la principale télévision publique japonaise est en crise La censure d'un programme sur la deuxième guerre mondiale ravive le débat sur l'Histoire. Tokyo de notre correspondant La démission du président de la chaîne de télévision publique NHK, mardi 25 janvier, est un nouvel épisode de la crise de confiance dont est victime le principal média télévisé japonais. Le "faux pas" de la nouvelle équipe dirigée par Genichi Hashimoto, qui a cru bon de nommer comme conseillers de la chaîne le président sortant, Katsuji Ebisawa, et ses collaborateurs, indique qu'elle n'a pas pris la mesure du mécontentement des téléspectateurs. Devant le tollé de l'opinion, l'équipe sortante a finalement été écartée. La puissante chaîne publique est l'objet d'une suite de scandales. Au détournement des redevances sont venues récemment s'ajouter des révélations sur la "censure", à la suite de pressions de membres du parti gouvernemental, d'un programme diffusé en janvier 2001 sur le sujet sensible des "femmes de réconfort". C'est le nom donné aux 200 000 Asiatiques, essentiellement d'origine coréenne, contraintes à se prostituer pour l'armée impériale durant la deuxième guerre mondiale. L'affaire a suscité une âpre polémique dans la presse, les grands quotidiens de centre gauche (Asahi, Mainichi) dénonçant les ingérences du pouvoir politique dans la gestion des programmes de la chaîne publique tandis que ceux se situant à droite (Yomiuri et Sankei) prenaient fait et cause pour NHK. Les détournements de redevances avaient déjà provoqué, ces derniers mois, un mouvement de boycottage du paiement de celles-ci. SHOWA HIROHITO MIS EN CAUSE L'affaire a éclaté le 12 janvier avec la publication par Asahi Shimbun d'articles fondés sur le témoignage du producteur de l'émission en question, révélant qu'il avait été contraint à couper cinq minutes de son documentaire à la suite de l'intervention, la veille de sa diffusion, de deux membres du Parti libéral-démocrate (Shinzo Abe, son secrétaire général, et Shoichi Nakagawa, ministre de l'économie et de l'industrie) auprès des responsables. Au nom de l'"objectivité", NHK aurait décidé d'amputer le programme de passages sur un procès fictif, organisé à Tokyo en décembre 2000, par le "Tribunal des femmes contre la servitude sexuelle pendant la guerre". Présidée par Gabrielle McDonald, ex-présidente du tribunal sur les crimes de guerre en Yougoslavie, la "justice populaire" avait conclu à la responsabilité de l'empereur Showa (Hirohito) pour les crimes commis en son nom et reconnu celui-ci "coupable de crime contre l'humanité". La chaîne publique et les deux hommes politiques ont récusé les accusations qualifiées de "falsifications". Quelle que soit la réalité des faits, ce scandale tend à confirmer les liens étroits et permanents que le parti au pouvoir entretient avec la chaîne publique et incite à s'interroger sur son indépendance. "S'il n'y a pas eu pression, pourquoi l'émission a-t-elle été soudainement modifiée ?", interroge Mainichi. "S'ils ont l'habitude, comme ils l'ont dit, de rendre compte des émissions avant leur présentation à des hommes politiques, les responsables de la NHK trahissent les téléspectateurs", poursuit le quotidien. La presse conservatrice et de droite dénonce, elle, la dimension "idéologique" de l'émission. Si le sujet avait été présenté dans sa version initiale, la NHK "aurait fait preuve d'irresponsabilité", écrit Yomiuri. Cette affaire est aussi symptomatique d'une nouvelle flambée d'acrimonie dans le débat sur l'histoire avec une droite au sein du parti conservateur de plus en plus virulente. Elle illustre aussi un recul de la confiance de l'opinion en un média qui jouissait, malgré ses liens avec le pouvoir, d'une bonne crédibilité. Par son statut, comparable à celui de la BBC, NHK est tenue à l'indépendance.