Discours "Ne prenons pas l'Europe en otage" Pour la première fois depuis son retrait de la vie politique en avril 2002, Lionel Jospin est revenu jeudi soir sur un plateau de télévision. Invité de "Question ouverte", sur France 2, il s'est livré à un vibrant plaidoyer à destination des Français tentés par le "non" au référendum européen. Pour aller plus loin   Bataille de slogans avant le référendum Rarement retraité de la vie politique aura été si médiatique. Depuis son retrait officiel de la vie publique, le 21 avril 2002, Lionel Jospin se signale régulièrement par des apparitions toujours très commentées. Mais c'était la première fois, jeudi soir, qu'il revenait sur un plateau de télévision. Il a choisi pour ce retour le plateau de France 2, où il était l'invité de "Question ouverte". L'occasion pour lui de s'inviter de nouveau dans la campagne référendaire, après son rappel à l'ordre aux tenants du "non" au PS, samedi dernier. Mais alors que sa première intervention avait plutôt visé les rangs socialistes, c'est à tous les Français tentés par le "non" qu'il s'est adressé. "Voter contre le traité constitutionnel c'est sanctionner la France, c'est sanctionner l'Europe, ce n'est pas sanctionner le pouvoir en place", a martelé l'ex-Premier ministre. Sans pour autant nier les motivations des tenants du "non" : "Les Français sont en colère, ils sont mécontents, ils ont des raisons d'être en colère", a-t-il reconnu. "Comme on n'a pas tenu compte de leurs protestations exprimées clairement en 2004, ils ont un désir de protestation et une envie de sanction". Aussi, Lionel Jospin a demandé aux Français de ne pas mêler l'Europe aux difficultés intérieures de la France. "Si nous avons un problème politique en France, réglons-le en France et ne prenons pas l'Europe à témoin ou en otage de ces discussions nécessaires" sur la manière dont est gouverné le pays, a-t-il plaidé. "Je comprends ces protestations" des Français contre la politique gouvernementale "et en même temps, je dis : ça n'est pas l'objet, ce n'est pas le moment pour trancher cette question", a ajouté l'ex-Premier ministre. "Il n'y a pas de cohérence d'un non pro-européen" Selon Lionel Jospin, "il n'y a pas de cohérence d'un non pro-européen". A ceux qui voient la Constitution européenne comme "un carcan libéral", il a répliqué : "Ce terme n'a aucun sens" car "le propre du libéralisme c'est de ne vouloir aucun cadre". Et de marteler une nouvelle fois : "Quand on veut l'Europe, on dit oui à l'Europe, on ne dit pas non à l'Europe". Concernant le rôle de la gauche dans ce débat : "Ce que je souhaite, c'est que la gauche se rassemble, qu'elle se rassemble pour changer l'Europe et non pas pour la bloquer. Ce que je souhaite aussi c'est que les socialistes soient au coeur de cette gauche et si je peux contribuer à cela, je le ferai". Une promesse qui pourrait laisser place à de multiples interprétations. Ainsi, le plaidoyer pro-européen de Lionel Jospin ne pouvait lui éviter certaines questions. Notamment celle-ci : cette réapparition télévisée augurerait-elle d'un rôle public plus marqué ? L'ex-Premier ministre continue à s'en défendre. Interrogé sur le rôle qu'il entend tenir entre 2005 et 2007, Lionel Jospin a répondu : "Aucun rôle particulier. Je veux pouvoir dire ce que je crois juste dans certaines circonstances, pas forcément tout le temps ni fréquemment, notamment pour mon pays mais aussi par exemple pour l'Europe, le dire librement. Pour le reste, je veux aider les socialistes à agir". "Estomaqué" L'intervention de Lionel Jospin a suscité un tir de barrage des socialistes partisans du non. Depuis les Etats-Unis, un autre ancien Premier ministre, Laurent Fabius, a estimé que "les Français ne se fieront pas à des expériences passées". Pour sa part, Jean-Luc Mélenchon s'est déclaré "estomaqué" par sa déclaration selon lequel le "oui" de gauche et le "oui" de droite seraient compatibles, et "stupéfait" de l'entendre dire que l'Europe n'est pas libérale. Le Parti communiste français a affirmé qu'il était "dommage" que Lionel Jospin soit "revenu pour nous faire la leçon", dans un communiqué. Au nom de l'UMP, Brice Hortefeux a affirmé que Lionel Jospin lui "fait penser à Hibernatus". "L'engagement de Lionel Jospin se fixe pour ambition d'accomplir ce que Nicolas Sarkozy a su, lui, réussir par la pédagogie et la proximité: démontrer que le traité constitutionnel, c'est plus de lisibilité, plus d'efficacité, de protection".