Grève Nationale aujourd'hui contre le projet de loi accentuant l'ouverture à la concurrence. Passe d'armes ce matin, autour du service public à l'Assemblée nationale. Comment conjuguer l'ouverture de la Poste à la concurrence et le maintien de ses missions citoyennes? Les syndicats ont appelé massivement les postiers à la grève. Le PS a, lui, dégainé plus de 14 000 amendements, autant que de bureaux de poste. Pour acter que le guichet de Ploubezre en Bretagne, ou celui de Saint-Gérand-Le Puy dans l'Allier, remplit ses missions de service public et le vacciner contre une disparition. Retard. Les socialistes insistent surtout sur la portée symbolique. «C'est l'un des derniers textes sur les services publics, avant celui qui vient en débat d'EDF-GDF», explique François Brottes, député PS, et les défenseurs d'une ligne maximaliste entendent profiter de l'occasion. Sur le fond, les opposants savent que la France n'a pas le choix. La loi sur la régulation des activités postales qui vient à l'Assemblée transpose une directive européenne de 1997, avec déjà plus de deux ans de retard. Mais ils estiment que la traduction législative aurait pu être plus ambitieuse pour le service public : «Il existe toujours une marge de manoeuvre et elle n'a pas été utilisée.» Aucune assurance dans ce texte sur le maintien de la Poste en milieu rural. Le fonds de péréquation, censé financer le service dans les campagnes, doit être alimenté par l'abattement dont profite la Poste sur la taxe professionnelle. Or, «c'est bien la Poste qui va remplir ce fonds. On ne fait que lui créer une charge nouvelle», souligne François Brottes. Quant à l'engagement de dernière minute du gouvernement de maintenir, pour 90 % de la population, un point de contact à moins de cinq kilomètres, certains redoutent que ce soit la porte ouverte à la suppression de bureaux dans des zones où il y en aurait plusieurs. Même critique à l'égard du fonds de compensation. Ce fonds, prévu par Bruxelles, doit pallier les charges du Service universel. Comme la distribution six jours sur sept du courrier sur tout le territoire, et à un prix abordable. C'est le monopole réservé à la Poste sur le courrier qui lui permet d'assurer cette mission. Cette année, ce monopole se réduit aux plis de moins de 100 g, et de 50 g dès l'an prochain. «Pourquoi le gouvernement renvoie-t-il la création de ce fonds à un rapport du gouvernement ?», s'inquiète le socialiste. Ceux qui défendent le texte, et notamment Patrick Ollier (député UMP), président de la Commission des affaires économiques de l'Assemblée, répondent que «c'est juste une question de prudence et qu'il faut étudier au préalable les conditions de sa mise en oeuvre». Repli. Encore un souci à propos de la régulation du secteur. Les défenseurs du service public à la française ne veulent pas que l'Autorité de régulation des télécoms (ART) prenne en charge le service postal. Question d'état d'esprit. «Cela ne colle pas, insiste François Brottes. Les deux secteurs sont trop différents», avec d'un côté des télécoms en croissance et de l'autre une Poste en repli, où les questions de logistique et de poids de la main-d'oeuvre sont prépondérantes. En clair, les syndicats comme les députés hostiles au texte craignent que l'ART étende le régime proconcurrence, en vigueur pour les télécoms, à la Poste. D'autres, à droite, très critiques à l'égard de l'ART, avaient imaginé dissoudre carrément le collège actuel, jugé pas assez compréhensif à l'égard de France Télécom, pour le recomposer en deux sous-collèges. L'amendement, trop vénéneux, a été abondonné. Hier, Patrick Ollier soulignait, à propos de cette initiative qu'on lui avait prêtée, qu'il s'était entendu avec le ministre de l'Industrie, Patrick Devedjian, sur une mouture qui porterait de cinq à sept le nombre de membres de la nouvelle autorité, incluant deux spécialistes de la Poste, mais sans toucher aux titulaires actuels... La défense du service public a parfois bon dos.