Annonce Moscou subtilise la dépouille d'Aslan Maskhadov, le chef indépendantiste tchétchène assassiné par le FSB Des défenseurs des droits de l'homme se joignent à sa famille pour réclamer des funérailles décentes. Les forces de sécurité ont fait exploser la maison où l'ex-président élu a été retrouvé. Moscou de notre correspondante Un groupe de défenseurs russes des droits de l'homme a demandé, lundi 14 mars, aux autorités russes de rendre la dépouille de l'ancien dirigeant indépendantiste tchétchène, Aslan Maskhadov, à sa famille. Au lendemain du décès, le 8 mars, de Maskhadov, dans le village tchétchène de Tolstoï Iourt, Moscou avait fait savoir que son corps ne serait pas rendu à ses proches, mais qu'il serait enterré dans un lieu secret, "dans une tombe sans inscription", en vertu de la loi antiterroriste adoptée en 2002, après la prise d'otages dans le théâtre de la Doubrovka à Moscou par un commando tchétchène. "Nous estimons honteux le refus de transmettre les restes du défunt à sa famille pour les funérailles", dit le texte signé par trois organisations russes de défense des droits de l'homme, sous l'égide de Lev Ponomariov. Ils estiment que Maskhadov aurait pu être capturé vivant, et qu'il "avait le droit à un procès équitable". La famille d'Aslan Maskhadov, qui avait été élu président de la Tchétchénie en 1997 lors d'un scrutin observé par l'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE), a appelé les dirigeants occidentaux à faire pression sur le président Vladimir Poutine pour que le corps du chef tchétchène leur soit rendu. Les services secrets russes (FSB), qui ont revendiqué l'assassinat de Maskhadov, ont affirmé que sa dépouille avait été transférée "par avion spécial" vers Moscou, où, selon la version officielle, devaient se poursuivre des travaux d'"expertise génétique" pour achever "l'identification, accomplie à 97 %". Lundi, un représentant du quartier général de "l'opération anti-terroriste dans le Caucase du Nord" (expression désignant la guerre de Tchétchénie), Arkadi Erdelev, a annoncé que les forces russes avaient détruit à l'explosif la maison de Tolstoï Iourt où avait été retrouvé Maskhadov. Le général Erdelev a affirmé que la maison abritait, dans un bunker, des "archives" de Maskhadov, qui auraient été auparavant "minées" par les combattants tchétchènes. Les démineurs russes auraient "fait pénétrer dans le bunker un générateur spécial diffusant des ondes variées" et "une explosion importante" s'est produite. Les militaires russes ont souvent, par le passé, procédé à de telles destructions d'habitations - punition à l'encontre de familles tchétchènes entières, après des attaques terroristes ou des opérations de la guérilla. Plusieurs maisons habitées par des proches de membres du commando tchétchène ayant attaqué le théâtre de la Doubrovka ont ainsi été détruites. Il s'agissait de suivre, en la matière, "l'exemple des troupes israéliennes", selon des porte-parole militaires. Le journal moscovite Kommersant, critique du Kremlin, avançait, mardi, une autre explication à cette destruction, affirmant qu'elle visait à effacer tous les indices pouvant éclaircir les circonstances de la mort de Maskhadov. Officiellement, le chef tchétchène a trouvé la mort lorsque les forces spéciales russes, l'ayant encerclé dans cette maison, ont jeté une grenade dans la cave où il se cachait. Le refus des autorités de rendre le corps de Maskhadov à sa famille jette le doute sur la véracité de cette version officielle, estime le journal. La maison de Tolstoï Iourt, où le corps de Maskhadov a été exposé le 8 mars, appartenait, selon des informations diffusées dans la presse par le FSB, à un "parent éloigné" du leader tchétchène, un certain Moussa Youssoupov. Des habitants du village ont démenti cette version, affirmant que Maskhadov avait été "transporté vers Tolstoï Iourt alors qu'il était déjà mort". Le journal populaire Moskovskie Komsomolets affirme que Maskhadov aurait été "fusillé" plusieurs jours avant la date officielle de sa mort, après avoir été "capturé et interrogé". L'attaque du bunker de Tolstoï Iourt aurait été "une mise en scène", selon ce journal. Un représentant des indépendantistes tchétchènes réfugié à Londres, Akhmed Zakaev, a déclaré, de son côté, que Maskhadov avait été localisé à Tolstoï Iourt "par hasard, au cours d'une opération de "nettoyage"", mot désignant les rafles pratiquées par les forces russes dans les villages tchétchènes. Maskhadov est mort, selon lui, "dans la fusillade" qui s'en est suivie. En décembre 2004, huit membres de la famille de Maskhadov avaient été détenus, dans le cadre de la traque du chef indépendantiste par les forces russes. Les services du parquet général avaient auparavant annoncé que de telles prises d'otages étaient justifiées pour localiser les "terroristes". Pour sa part, le FSB a affirmé, mardi, avoir payé une somme de dix millions de dollars pour obtenir d'informateurs la piste menant à Maskhadov. Natalie Nougayrède Dix millions de dollars pour des informations sur Maskhadov Les services secrets russes ont déclaré, mardi, avoir versé dix millions de dollars (7,47 millions d'euros) de récompense à des informateurs ayant révélé la cache du leader indépendantiste tchétchène Aslan Maskhadov, tué la semaine dernière, alors que des médias ont mis en doute la version officielle des circonstances de sa mort. Moscou avait promis, en septembre 2004, après la prise d'otages perpétrée par un commando pro-tchétchène dans une école de Beslan, dix millions de dollars pour les informations qui mèneraient à Aslan Maskhadov ou au chef de guerre Chamil Bassaev. "Des citoyens se sont adressés au FSB [Service fédéral de sécurité] et ont donné les renseignements qui ont permis de déterminer le lieu exact où se trouvait le terroriste international et leader des rebelles Aslan Maskhadov, et d'effectuer une opération spéciale", a déclaré le service de presse du FSB. "Ces citoyens ont reçu la totalité de la récompense promise et, si nécessaire, on les aidera à déménager dans une autre région de Russie ou un pays musulman", a ajouté le porte-parole. Le FSB a tenu à souligner qu'il garantissait aussi "une récompense de 10 millions de dollars pour toute information qui mènerait à Chamil Bassaev", le chef de guerre radical, ennemi numéro un de Moscou, qui a revendiqué la prise d'otages de Beslan (344 morts) et celle menée en octobre 2002 au théâtre de la Doubrovka à Moscou (130 morts). L'annonce du FSB, faisant état d'informations ayant mené à Maskhadov, vient comme pour renforcer le récit officiel des circonstances de sa mort. Plusieurs quotidiens russes ont en effet relevé ces derniers jours des contradictions dans les déclarations des responsables. (-AFP)