Annonce Moscou réclame l'extradition de M. NevzlineC'était le parfait candidat. En choisissant Leonid Nevzline pour intervenir lors de la séance de la commission sur la sécurité et la coopération en Europe, mercredi 13 juillet à Washington, les Américains savaient qu'ils offraient une tribune à l'un des adversaires les plus durs du Kremlin, aujourd'hui réfugié en Israël. Appelé à témoigner sur "l'affaire Ioukos, et ses implications sur la politique et le business en Russie" , l'ancien associé de Mikhaïl Khodorkovski, l'ex-patron de Ioukos, s'est lancé dans une diatribe contre son ancienne patrie. Moscou a réagi en réclamant son extradition.Des conséquences du démantèlement de Ioukos l'ancien numéro un du pétrole, à présent sous contrôle étatique , Leonid Nevzline est rapidement passé à l'attitude du Kremlin, qui "utilise le système judiciaire comme un outil pour écraser l'opposition politique", faisant allusion à l'ancien patron de Ioukos mais aussi à l'enquête judiciaire ouverte récemment contre Mikhaïl Kassianov, un ancien premier ministre de Vladimir Poutine et éventuel prétendant à la présidentielle de 2008."Si l'on examine les critères pour l'adhésion, il est clair que la Russie ne répond ni aux critères économiques, ni aux exigences démocratiques pour s'asseoir a la table du G8" , a poursuivi Leonid Nevzline, soutenu par des sénateurs américains inquiets à l'approche du prochain sommet, que doit présider la Russie en 2006.PROVOCATIONLes Etats-Unis ont toujours apporté leur soutien à Ioukos, dont l'état-major se trouve aujourd'hui à Houston, ainsi que le refuge à d'anciens employés ayant fui la justice russe. Sorte de chef de file des oligarques russes à l'étranger, Leonid Nevzline qui est juif, a choisi, lui, de se réfugier en Israël. Propriétaire de 67 % du capital de la holding Menatep, qui elle-même contrôle 60 % de Ioukos, il a cessé toute activité en Russie, et s'est tourné vers l'Europe de l'Est. Pour lui, la Russie n'a pas plus sa place au G8 qu'à l'Organisation mondiale du commerce, où elle postule. "Est-il possible qu'un pays majeur, qui utilise des moyens illégaux pour s'emparer de biens privés (...) et renationaliser des entre- prises privées, (...) et qui échoue à ériger un système légal qui protège les investissements, les actionnai-res, et les contrats commerciaux, mérite d'être membre de l'OMC ?" , lance-t-il.En intervenant, sans avoir de contradicteur au sein de la commission, Leonid Nevzline a fait exactement ce que le Kremlin craignait. Depuis plusieurs jours, la diplomatie russe s'est activée auprès de ses homologues américains, multipliant, selon le quotidien Kommersant , les coups de téléphone pour éviter que l'oligarque russe ne se produise au Congrès. En vain.Faute de succès dans ses pressions politiques, Moscou a décidé d'avoir recours à l'outil judiciaire. Il a exigé des Etats-Unis l'extradition de M. Nevzline contre lequel il a lancé un mandat d'arrêt international pour "complicité de meurtre" dans le cadre de l'affaire Ioukos. La justice a récemment redoublé ses accusations contre Leonid Nevzline, déjà poursuivi pour fraude fiscale. Le 5 juillet, le parquet général l'a accusé d'avoir commandité l'assassinat du maire de Nefteiougansk, en juin 1998.Dans ce climat, la tribune accordée à l'oligarque est apparue comme une véritable provocation."Cela n'a pas de sens d'essayer de faire pression sur le Kremlin par le biais d'une intervention d'outre-Atlantique. Les problèmes internes de la Russie ne peuvent être résolus à Washington", a commenté Stanislav Belkovski, un analyste proche du Kremlin, sur le site Internet de l'Agence des nouvelles politiques.Pour l'heure les Etats-Unis ont refusé toute extradition.
