Annonce Mongolie : les ex-communistes essuient une gifle électorale Isolée au bout de l'Asie, la petite démocratie mongole crée une fois plus la surprise : elle vient de d'offrir à l'opposition libérale une bonne chance de s'emparer du pouvoir à Oulan-Bator après avoir infligé aux ex-communistes une gifle électorale d'autant plus retentissante qu'ils étaient sûrs d'une large victoire. Signe d'embarras, ni le gouvernement, dominé par le Parti révolutionnaire et populaire (PRPM, ex-communiste), ni la commission électorale n'avaient annoncé le résultat définitif hier, quarante-huit heures après la clôture du scrutin législatif. C'est donc l'opposition, fédérée en Coalition démocrate et patriotique (CDR), qui a pris sur elle d'annoncer un résultat. «La CDR est prête à se battre pour exercer son droit de représenter le peuple, a fait savoir le Parti démocrate, pivot de l'opposition, dans un texte diffusé hier. Nous demandons au PRPM de reconnaître et de respecter le choix de la démocratie.» L'opposition assure avoir gagné 39 des 76 sièges de l'Assemblée, contre 4 seulement en juillet 2000. A elle seule, la CDR en aurait emporté 36. Elle serait en mesure d'obtenir la majorité avec l'appoint de 3 élus indépendants au Grand Houral, chambre unique du Parlement. D'après les autorités au contraire, les chiffres de 4 circonscriptions restent à éclaircir. Ils pourraient faire la différence. Le succès de l'opposition marquerait le retour en force des libéraux, laminés il y a quatre ans par le PRPM, parti qui fut pendant 70 ans l'instrument de l'hégémonie soviétique. Même s'ils sauvaient leur majorité de justesse, le revers électoral est cuisant pour les ex-communistes. Depuis l'indépendance, ce parti qui s'appelle encore «révolutionnaire» affiche ses convictions démocratiques. Il a fait campagne sous la «rose», emblème de l'Internationale socialiste, et son premier ministre, Nambaryn Enkhbayar, joue les Tony Blair d'Asie du Nord. Depuis dimanche, le PRPM a pourtant perdu de sa superbe. Après avoir submergé le pays d'une propagande électorale coûteuse, le premier ministre Enkhbayar a accusé ses adversaires de «malversations» et dénoncés des votes achetés par des «cadeaux en argent» et des «bouteilles de vodka». Implicitement, le gouvernement a déjà reconnu son échec en expliquant qu'il faudrait lancer de nouvelles élections législatives si aucune majorité de gouvernement ne se dégage d'ici à la dernière semaine de juillet. Quel que soit le vainqueur, le pays a déjà montré son attachement à une démocratie originale dans une région encore dominée par des dictatures communistes, telles la Chine ou la Corée du Nord, ou par de nouvelles dynasties autoritaires, comme en Asie centrale. En Mongolie, le scrutin de dimanche était la cinquième échéance d'élections libres depuis 1990. Les électeurs y ont participé à plus de 75%, ce qui n'est pas un mince succès dans un pays où rejoindre l'isoloir requiert plusieurs heures de piste parfois, en 4 x 4, à cheval ou à dos de chameau. Avant le scrutin, de rares sondages avaient déjà signalé la maturité d'électeurs soucieux de rééquilibrer le pouvoir législatif au profit d'une minorité réduite à une peau de chagrin. Le résultat a dépassé les espérances de l'opposition, au risque de l'instabilité. Le vainqueur, quel qu'il soit, devra répondre aux attentes nées d'un vote sanction. A droite comme à gauche, la campagne s'est focalisée sans convaincre sur la lutte contre la pauvreté et la corruption, deux tares issues du naufrage du communisme. Seul volet concret des deux programmes, la création d'un système d'allocations familiales a provoqué une surenchère de projets aussi séduisants que ruineux. En Mongolie, les électeurs sont parfois plus mûrs que leurs élus.
