Mort de Mo Mowlam

Mort Mo Mowlam, qui avait été la première femme à occuper le poste périlleux de ministre britannique chargée de l'Irlande du Nord, est morte, vendredi 19 août, dans un hôpital de Cantorbéry. Elle était âgée de 55 ans. "L'une des personnalités les plus remarquables et les plus originales à s'être jamais engagées en politique" , a déclaré le premier ministre, Tony Blair, à propos de l'artisane du processus de paix dans la province. Mo Mowlam avait connu son heure de gloire en 1998, lors de la signature des accords du vendredi saint de partage du pouvoir entre catholiques et protestants des six comtés. A force d'opiniâtreté, elle était parvenue à joindre les deux bouts, ceux de l'Ulster écartelée entre les deux communautés, comme ceux du rapprochement entre le nord et le sud de l'île Verte. Heureusement que son bon sens avait immunisé ce docteur en anthropologie sociale de l'université de l'Iowa (Etats-Unis) contre toute dérive schizophrénique : "Je suis un caméléon. Je change d'attitude selon mes interlocuteurs." Un visage rond, enjoué puis renfermé, une forte carrure, un regard bleu, un désintérêt total pour son apparence et une dégaine de cheftaine forte en gouaille : tous les portraits de cette politicienne hors norme disaient la femme d'action. La lecture des dossiers et télégrammes n'était pas le style d'un ministre dont le franc-parler était toujours ponctué de blagues salaces. Un comportement familier, le sens du contact humain, la simplicité, voire son goût prononcé pour le whisky, étaient à l'opposé des patriciens conservateurs qui l'avaient précédée. UN ESPRIT LIBRE Les hauts fonctionnaires de Stormont Castle éprouvaient une réelle admiration pour cette infatigable bosseuse qui s'était "esquintée" malgré une lourde chimiothérapie pour traiter une tumeur au cerveau. Depuis 1997, elle portait avec élégance une perruque blonde qu'elle n'hésitait pas à enlever devant un parterre de journalistes pour la poser sur la table. Née Marjorie Mowlan à Watford, dans le nord de Londres, le 18 septembre 1949, elle n'avait jamais caché que son père postier était alcoolique. L'étudiante à Durham University avait laissé le souvenir d'une vraie croqueuse d'hommes, affichant crânement ses amants, ne lésinant pas sur le joint. Mo avait d'ailleurs suivi son boyfriend dans l'Iowa, où elle avait vécu en concubinage notoire à une époque où cela ne se faisait guère. Revenue au pays, professeur à l'université de Newcastle, cette supportrice naturelle du Parti travailliste était entrée un peu par chance au Parlement, en 1987, comme représentante d'une circonscription ouvrière déshéritée perdue dans le Nord-Est anglais. Sa grande popularité auprès des militants de base lui avait valu une ascension rapide au cabinet fantôme travailliste. Après le retour du Labour aux affaires, en 1997, cette alliée de la première heure de Tony Blair avait été chargée de l'Ulster, strapontin ministériel à haut risque. Ses ennemis à l'intérieur du cabinet reprochaient à cette athée de sous-estimer l'importance du différend religieux dans l'équation ulstérienne. Cette femme chaleureuse et directe était accusée de sympathies envers Gerry Adams, président du Sinn Fein, la branche politique de l'IRA. Elle ne cachait pas, il est vrai, son manque d'atomes crochus avec les unionistes protestants déterminés à maintenir l'Ulster sous l'autorité de la couronne britannique. L'hostilité des unionistes avait abouti en 1999 à son remplacement par un homme lige du premier ministre, Peter Mandelson. En 2001, après un court passage au secrétariat d'Etat à la fonction publique, la députée de Redcar avait quitté la politique.