Concert Milton Nascimento, la voix mystique de la chanson populaire brésilienneDeux facettes de l'oeuvre du chanteur Milton Nascimento seront présentées les 23 et 24 avril, à Paris, au Théâtre des Champs-Elysées, dans le cadre de l'Année du Brésil. Le premier soir, un concert élaboré autour de Pietà, son dernier album, témoignera de la dimension intimiste et mystique de ce monument de la chanson brésilienne. Le lendemain, une comédie musicale, Ser Minas tão Gerais ("Etre Minas tellement Gerais") mettra en scène une vision festive de son répertoire.On sait le musicien de 61 ans toujours sensible à ses voyages en France, ne serait-ce qu'en souvenir du Jules et Jim de François Truffaut qui donna au jeune guitariste et chanteur l'envie d'écrire ses chansons, au début des années 1960. Avant cela, ce timide enchanteur avait fait ses gammes en piochant dans les standards de la soul, du jazz, du rock ou de la bossa-nova. Auteur-compositeur, il ne cessera ensuite d'élargir ses horizons, devenant un des plus singuliers militants du syncrétisme brésilien.Constante d'une oeuvre transformiste, une voix ailée capable de voleter des graves à un quasi-soprano féminin. "Gamin, j'ai commencé à chanter en m'inspirant des voix de femmes, confie le vocaliste noir, au point que quand j'ai mué, je m'affolais pensant perdre mon coeur. Jusqu'au jour où j'ai entendu Ray Charles. J'ai alors compris que les hommes aussi pouvaient avoir un coeur. Mais la base féminine de mes débuts est restée en place."Enregistré avec les chanteuses Maria Rita, Simone Guimaraes et Marina Machado (qui sera présente au Théâtre des Champs-Elysées), l'album Pietà est conçu comme un hommage à ces voix et au souvenir de "ses mères". "Quand ma mère est morte, on m'a envoyé loin dans une autre famille. Je suis tombé malade, presque mourant. Celle qui allait devenir ma mère adoptive -de la famille, blanche, chez qui sa mère était employée- est venue me chercher en urgence. J'associe l'image de cette femme venue me sauver, à celle de la Pietà de Michel-Ange."Alors installée à Rio, sa famille adoptive déménagea ensuite à Três Pontas, ville rurale du Minas Gerais. C'est dans ces collines verdoyantes que le garçon a développé ses talents de musicien et cultivé la variété de ses influences. Entremêlant folk local (les toadas), bossa, jazz, chant grégorien, mélopée indienne, guitare hispanique, fado, pop rock ou musique classique, ses compositions n'ont pas la dynamique extravertie du répertoire carioca ou bahianais, mais leur profusion et leur spiritualité les ont fait comparer aux splendeurs baroques des églises du Minas Gerais.Le spectacle Ser Minas tão Gerais, conçu par la troupe de théâtre Ponto de Portida, s'est attaché à la culture du peuple des mines et des campagnes. Pour cela, le metteur en scène a choisi dans l'oeuvre de Nascimento les chansons qui évoquaient les sentiments régionaux et l'africanité des descendants d'esclaves. Au côté des acteurs de Ponto de Portida et d'un Nascimento au jeu un peu pataud mais à la voix encore véloce, une troupe de 40 enfants, issus de familles défavorisées de la vallée de Jetiquinhonha, virevoltent au chant comme à la danse."J'en avais assez d'entendre que les musiques de Minas Gerais ne connaissaient pas les percussions, précise Milton Nascimento. J'ai demandé à mon batteur d'étudier les rythmiques de la région pour montrer qu'elle n'a rien à envier à Rio ou à Salvador." Dans la lignée des flirts entre musique populaire brésilienne et littérature, le spectacle est guidé par des textes d'un poète mineiro, Carlos Drummond d'Andrade.
