Mort de Michel BernsteinLe
Mort Michel BernsteinLe producteur de disques de musique classique Michel Bernstein est mort mardi 31 octobre, à l'âge de 75 ans, ainsi que l'a annoncé mercredi 1er novembre le site Internet d'Abeille musique, distributeur d'Arcana, le dernier des labels que Michel Bernstein avait créés. Il a été victime d'un malaise cardiaque pendant l'enregistrement d'un disque par l'ensemble Dialogos.Né le 1er avril 1931 à Paris, Michel Bernstein avait fêté, en 2004, le jubilé de son activité d'éditeur de disques - il tenait à cette acception - puisqu'il avait fondé, en 1954, le label Vendôme.Le premier des disques qu'il édite est un programme Claude Debussy par la soprano Flore Wend et la pianiste Odette Gartenlaub, salué par la critique. Vendôme, qui fait long feu (cinq disques seulement), est vite remplacé par le label Valois. Ainsi que leurs noms l'indiquent, ces deux marques avaient tout, dans leur présentation, du raffinement à la française.S'il fut l'éditeur courageux et souvent sans le sou de disques fameux du Quatuor Vegh, du Quatuor danois, du pianiste Noël Lee ou du baryton Bernard Kruysen, pour beaucoup de mélomanes, Michel Bernstein demeure le héraut des interprétations sur instruments anciens en France, statut qu'il partage avec Bernard Coutaz, fondateur d'Harmonia Mundi il y a près de cinquante ans.Michel Bernstein publie les microsillons de l'organiste Michel Chapuis (107 nuits sont consacrées au seul enregistrement de l'oeuvre d'orgue de Bach), du pianofortiste Paul Badura-Skoda, de la claveciniste Blandine Verlet, du luthiste Hopkinson Smith, de l'Ensemble polyphonique de France dirigé par Charles Ravier, les premiers disques de Philippe Herreweghe et de son Collegium Vocale de Gand, ceux du Quatuor Mosaïques, de Fabio Biondi et de Rinaldo Alessandrini, etc.En 1975, alors que Jordi Savall enregistre déjà pour EMI, Michel Bernstein fonde le label Astrée et fait paraître l'interprétation par le gambiste catalan de ses premiers disques Couperin et Marin Marais, le compositeur qui allait devenir la vedette du grand écran et du "Top 50" grâce au film d'Alain Corneau, Tous les matins du monde (1991).UN NOUVEAU DÉPARTDans des Mémoires inédits et inachevés (et qui n'évitent pas les coups de griffes), dont les bonnes feuilles sont publiées sur le site internet www.abeillemusique.com, Michel Bernstein avouait, non sans amertume, en 2004 : "J'ai soutenu bien des causes réputées perdues d'avance dont le temps a permis la reconnaissance. Ainsi le travail autour de la musique française de viole, dont je fus l'instigateur dans les années 1970, a-t-il trouvé dans le succès inespéré du film Tous les matins du monde sa plus belle récompense. Que les circonstances m'aient privé des retombées financières du triomphe d'une cause dont je fus l'initiateur et l'acteur de longues années durant demeure secondaire. Bonne chance à ceux qui en profitèrent."Familier des difficultés financières et des redressements en tous genres, Michel Bernstein avait en effet dû, peu avant la sortie du film et de sa bande-son aux chiffres de ventes colossaux, céder son catalogue à Auvidis qui le vendra à son tour à Naïve Classique.Repartant de zéro, Michel Bernstein s'installe à Nantes et crée, en 1992, Arcana, auquel il apporte le soin qui est sa marque, tout en conservant, presque à l'identique, le design des disques Astrée.Peu des artistes qu'il avait contribué à faire connaître le suivront dans le risque d'une aventure nouvelle. Mais Michel Bernstein révèle une nouvelle génération d'interprètes, venus notamment d'Europe centrale : le quatuor hongrois d'instruments anciens Festetics (qui grave l'intégrale des quatuors de Joseph Haydn), l'ensemble Ars Antiqua Austria, la Croate Katarina Livljanic, directrice du remarquable ensemble Dialogos.Les disques sortent au compte-gouttes (une moyenne d'un par mois, pas davantage), les répertoires sont rares, soigneusement présentés par des livrets multilingues et musicologiquement impeccables.Michel Bernstein assure : "S'il se publie actuellement trop de disques, il reste une place pour ceux d'entre eux qui sont porteurs d'une ambition artistique à moyen et long terme." Yves Riésel, directeur d'Abeille musique, nous a confirmé : " Michel Bernstein avait des choix parfois surprenants, mais tous ses disques avaient une raison d'être, il savait exactement pourquoi il les faisait paraître."Michel Bernstein fait sa révérence au moment même où les questions à propos des types de supports et de diffusion de la musique enregistrée se posent plus crûment que jamais. Sa mort peut être d'ores et déjà considérée comme une date symbolique pour le métier dont il aura incarné bellement l'honneur et la distinction.