Interdiction Maroc : le journaliste Ali Lmrabet est interdit d'exercice de son métier Ali Lmrabet, journaliste franco-marocain connu pour ses démêlés avec le pouvoir marocain, ne retournera pas en prison, mais il ne pourra pas exercer son métier pendant les dix années à venir, du moins dans son pays natal. Il est en outre condamné à verser une amende de 50 000 dirhams (environ 4 500 euros) et à faire publier à ses frais, pendant trois semaines, dans un quotidien arabophone marocain, la décision de justice qui l'a frappé mardi 12 avril. En prononçant cette lourde peine ­ avec une célérité inhabituelle ­, le tribunal de première instance de Rabat vient de relancer le débat sur la liberté de la presse au Maroc, ainsi que sur la soumission de la justice au pouvoir politique. Ali Lmrabet, qui vit entre Barcelone et Rabat et collabore au journal espagnol El Mundo, se retrouve ainsi empêché de lancer au Maroc un nouveau journal satirique, Demain libéré, comme il en avait l'intention. En juilet 2003, son hebdomadaire, Demain Magazine, avait été interdit au terme d'un procès pour "outrage au roi". Condamné à trois ans de prison ferme, M. Lmrabet avait été libéré après huit mois de détention et une grève de la faim de 47 jours, bénéficiant d'une grâce royale. A l'origine de ses nouveaux démêlés judiciaires, la plainte pour diffamation de l'"Association des parents des Sahraouis victimes de la répression dans les camps de Tindouf", jusqu'alors inconnue, le poursuivait pour ses déclarations, le 12 janvier 2005, à l'hebdomadaire marocain arabophone Al-Mustakil. Ali Lmrabet, de retour de Tindouf (sud-est de l'Algérie), avait déclaré que ces Sahraouis ne sont pas des "séquestrés", mais des "réfugiés". Des propos qui vont à l'encontre de la position officielle marocaine, selon laquelle les réfugiés sahraouis sont retenus contre leur gré par le Front Polisario, l'organisation armée qui lutte pour l'indépendance du Sahara occidental avec le soutien de l'Algérie. "C'est un jugement politique, évidemment destiné à m'empêcher de publier mon journal. Je ne paierai rien du tout et je compte rentrer au Maroc vendredi, a déclaré mercredi au Monde Ali Lmrabet. On voit ainsi la nature réelle de ce régime, que je tente de montrer depuis des années. La façade, bien ravalée, trompe beaucoup de monde. Mais, à l'intérieur, c'est toujours aussi pourri." A Rabat, le Syndicat national de la presse marocaine (SNPM) a demandé une révision de ce verdict, soulignant que le code de la presse marocaine ne prévoit pas de peine d'interdiction d'exercer le journalisme dans le cadre de procès en diffamation. "Cela ne signifie pas pour autant que nous appuyons les pratiques journalistiques de Lmrabet, en particulier lorsqu'il s'attaque ou diffame ses confrères", a cependant ajouté le SNPM. Une précision qui fait bondir Ali Lmrabet : "Quelles diffamations ? Je n'ai plus de journaux et je n'ai jamais insulté personne ! D'ailleurs, je n'avais jamais jusque-là été condamné pour diffamation", souligne-t-il. De son côté, à Paris, Reporters sans frontières se dit "extrêmement choquée et inquiète" par ce verdict. "C'est la première fois dans l'histoire de la presse marocaine qu'un journaliste est condamné à une peine aussi lourde pour un simple accusation de diffamation."