Mort de Mario Cesariny

Mort Mario Cesariny, poète et peintre portugais Le poète et peintre surréaliste portugais Mario Cesariny est mort à son domicile de Lisbonne, dimanche 26 novembre, à l'âge de 83 ans. Né le 9 août 1923 à Lisbonne d'un père portugais, orfèvre dans l'ancien quartier arabe de la capitale, et d'une mère espagnole, Mario Cesariny de Vasconcelos étudie la peinture et le piano avant de réaliser ses premiers collages en 1946. Influencé par le dadaïsme, il représente notamment le général de Gaulle juché sur de hauts talons ! Avec les poètes Alexandre O'Neill et Antonio Maria Lisboa, il sera le représentant le plus éminent et le plus grinçant du mouvement surréaliste portugais, à une époque - la fin des années 1940 - où le néoréalisme faisait la loi. Il faut d'ailleurs rappeler qu'à cette époque c'est le néoréalisme qui incarnait la résistance à l'Etat nouveau de Salazar, alors que le surréalisme dérangeait finalement assez peu l'intelligence étroite des censeurs du régime. A la différence de Lisboa, plus marqué par le modèle français, Mario Cesariny saura, dans sa poésie, concilier la révolte et la tradition blasphématoire du surréalisme et un réel ancrage dans l'esprit portugais, même s'il se disait "fâché avec la culture portugaise depuis cinq siècles". D'ailleurs, il n'eut qu'un respect limité pour les grandes figures de la littérature de son pays. Dans Louange et simplification d'Alvaro de Campos, il alla jusqu'à écorner l'image de Fernando Pessoa : "Cette église autour de lui m'agace. Le génie, c'est le contraire de ce qu'il a fait, c'est la fusion...", nous déclarait-il lors d'un entretien ("Le Monde des livres" du 17 mars 2000). Mais après un instant de réflexion et un sourire appuyé, il ajoutait : "Il a tout de même un talent immense !" Le groupe éphémère et marginal connaîtra très vite une scission. En 1949, les dissidents organisent leur première exposition à Lisbonne et à Porto, avec publication d'un manifeste. Sur la place du mouvement dans la vie artistique portugaise, Mario Cesariny restait réservé : "Les communistes et les surréalistes ont échoué. Le surréalisme n'a pas été une explosion, mais une implosion qui a fait des victimes." En 1950, Cesariny publie son premier livre de poèmes, Corpo visivel (Corps visible), qui sera suivi par plusieurs recueils dans les trois décennies suivantes. En 1956, il présente sa première exposition individuelle de peinture. "C'est la peinture, dira-t-il, qui m'a aidé à dérégler et à démembrer le langage." "UN OISEAU ET UN CHAT" Au milieu des années 1960, une bourse lui permet de passer deux ans à Paris et à Londres. C'est sa grande amie Vieira da Silva qui lui a permis de l'obtenir. "Mario est à la fois un oiseau et un chat, disait celle-ci, et chaque jour qui passe, il ressemble moins à un être humain." Ce à quoi il faisait écho en répondant : "Les chats sont les seuls bourgeois avec lesquels il est possible d'établir un pacte." Grand admirateur de Victor Hugo, Mario Cesariny avait traduit les Illuminations de Rimbaud et des pages d'Antonin Artaud. Dans les années 1980, après avoir publié deux volumes anthologiques de manifestes et de textes sur le surréalisme, il cesse d'écrire des poèmes pour se consacrer à la peinture. Plus récemment, en 2005, des récompenses officielles portugaises consacraient l'oeuvre d'un artiste qui avait gardé à l'égard de son pays un esprit caustique et paradoxal : "L'Union européenne devrait faire prévaloir activement nos défauts, car dans nos défauts est caché l'essentiel de nos qualités !" En français, une anthologie de la poésie de Mario Cesariny a été publiée sous le titre Labyrinthe du chant (L'Escampette, 1994).